
— Marc Robitaille
Guylaine Demers, professeure au Département d'éducation physique et présidente d'Égale Action (anciennement l'Association québécoise pour l'avancement des femmes dans le sport et l'activité physique), est l'une des organisatrices.
Quels problèmes rencontre le sport féminin aujourd'hui?
Nous avons déterminé cinq thématiques urgentes sur lesquelles nous devrions agir rapidement. Premièrement, au Canada, les entraîneurs féminins ne représentent que 25% de l'ensemble des entraîneurs, un chiffre qui n'évolue pas depuis 20 ans. Et plus le niveau des athlètes est élevé, moins les entraîneuses sont nombreuses. Par exemple, aux Jeux olympiques, seulement 10% à 12% des entraîneurs sont des femmes. Pourtant, paradoxalement, on n'a jamais eu autant d'athlètes féminines de haut niveau. Avec une telle expérience, on aurait donc pu s'attendre à ce que le nombre d'entraîneuses augmente. Deuxièmement, seulement environ 15% du leadership en administration est assumé par les femmes. Autrement dit, peu de postes décisionnels, comme les directions techniques et les présidences de club, sont occupés par la gent féminine. Troisièmement, l'abandon de la pratique sportive est de trois à six fois plus élevé chez les filles que chez les garçons. En 1re secondaire, la situation est vraiment dramatique, car seulement 4% des adolescentes font assez d'activité physique pour en tirer des bienfaits pour la santé. Une autre question qui nous intéresse, c'est le sport féminin dans les médias. En dehors du golf, du tennis et du patinage artistique lors des championnats, on voit peu les athlètes féminines. En outre, le traitement de l'information n'est pas le même que pour les hommes puisque, souvent, on discute de leur look et non de leur performance sportive. Enfin, l'homophobie liée au sport féminin est un autre problème sur lequel on doit se pencher.
Pourquoi a-ton besoin de davantage d'entraîneurs féminins?
Encore aujourd'hui, entraîner des filles et des garçons, ce n'est pas pareil, car leur socialisation est différente. Beaucoup d'hommes entraînent des filles avec leur expérience masculine, mais cela ne convient pas aux athlètes, qui souvent abandonnent. Il faut savoir que beaucoup de filles commencent une pratique sportive pour l'aspect social, pour être avec leurs amies. Si, comme entraîneur, je ne perçois pas cette dimension sociale et que j'interdis tout bavardage dans le gymnase, je n'incite pas les filles à persévérer dans la pratique d'un sport. Or, il existe des manières de permettre cette dynamique sociale sans nuire à l'entraînement. Les entraîneurs doivent aussi être conscients que, sur le terrain, les filles travaillent en réseau plutôt que de façon pyramidale comme les gars. La capitaine n'est pas pas forcément la meilleure joueuse, mais souvent la plus rassembleuse. Généralement, la capitaine n'aime pas être la vedette, pas plus que le reste de l'équipe ne souhaite qu'elle le soit. Ce sont ce genre de détails qui poussent parfois les filles à abandonner la pratique d'un sport.
Quelles sont les pistes d'action possibles pour favoriser la partipation féminine dans le sport?
Si on veut que la situation évolue, il faut travailler sur tous les plans, aussi bien sur le terrain avec les très jeunes athlètes qu'auprès des dirigeants de club ou de fédération qui peuvent influencer les politiques et les façons de faire. Déjà, la place des filles dans les sports fédérés québécois et nationaux s'est améliorée puisqu'elles représentent maintenant presque 50% des participants. Il faut souligner les efforts de certaines organisations, comme la Fédération de patinage de vitesse, pour recruter, former et soutenir des entraîneuses. Cette organisation constitue pour moi un modèle, car la composition du conseil d'administration reflète la diversité des membres. Autre exemple positif, celui de l'Institut national du sport du Québec. Dès sa mise en place, il y a trois ans, cet organisme, qui offre du soutien et de l'encadrement pour les athlètes de haut niveau, a décidé que 40% des membres du conseil d'administration devaient appartenir à l'un ou l'autre des sexes. Il ne pourra donc jamais être composé de 75% d'hommes ou de 75% de femmes. Certains règlements peuvent donc changer les choses, comme le prouve l'exemple de Sport interuniversitaire canadien (SIC). La directrice de SIC, dont fait partie le Rouge et Or, a suggéré que seules les universités qui envoyaient un homme et une femme aux réunion annuelles disposeraient de deux votes. En très peu de temps, la parité a été obtenue et la voix des femmes est maintenant entendue dans cet organisme.
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