
Dans le codex II, l'Évangile selon Thomas, dont on voit ici le début, contient 114 paroles attribuées à Jésus le Vivant.
Du 29 au 31 mai, 27 experts d'Europe et d'Amérique du Nord et 9 étudiants-chercheurs se sont réunis au pavillon Charles-De Koninck pour faire le point sur l'avancement des travaux de recherche effectués à ce jour sur les manuscrits de Nag Hammadi. Ceux-ci contiennent des textes d'abord écrits en grec, probablement au cours des 2e et 3e siècles de notre ère, ensuite traduits en copte, la langue égyptienne de l'époque, puis copiés au 4e siècle. Ces manuscrits sont la propriété de la République arabe d'Égypte. Ils sont conservés au Musée copte du vieux Caire.
Le tiers des participants au colloque provenait de l'Université Laval. Et pour cause: depuis 1977, plusieurs chercheurs de cet établissement forment le noyau dur d'un réseau international d'une trentaine d'experts engagés dans une entreprise de très longue haleine baptisée la Bibliothèque copte de Nag Hammadi. Avec ses collègues Wolf-Peter Funk et Paul-Hubert Poirier, Louis Painchaud dirige ce projet qui pourrait être terminé d'ici une dizaine d'années. Le défi des chercheurs consiste à reconstruire les lacunes des manuscrits, lesquels sont dans un état de conservation variable. L'étape suivante consiste à les traduire en français, puis à les analyser et à les commenter. À ce jour, environ 90% du travail a été effectué. Les résultats sont consignés dans une cinquantaine de volumes publiés conjointement par les Presses de l'Université Laval et les Éditions Peeters.
«Les traductions sont toujours sujettes à révision, précise le professeur Painchaud. En 70 ans, la connaissance, par les chercheurs, de la langue, de la grammaire et des dialectes coptes anciens s'est améliorée.»
Lors du colloque, Louis Painchaud a souligné le déplacement de l'intérêt des chercheurs, de la période de rédaction des textes en langue grecque vers leur traduction et leur copie en langue copte. «Que peuvent nous dire les textes sur les rédacteurs de l'époque?, demande-t-il. Que pensaient-ils? Que se passait-il en ces temps reculés?» Il avance l'hypothèse que les codex de Nag Hammadi auraient été produits dans plusieurs milieux différents. «On observe des différences dans la variété des textes ainsi que dans l'habileté des scribes et la qualité de leur production», soutient-il.
Dans les années 1970, les Allemands et les Américains ont démarré leur propre projet de traduction des manuscrits. «Leur travail est achevé, indique le professeur. Mais notre projet va plus loin dans le domaine de l'annotation des textes. Nous apportons des commentaires extrêmement développés aux plans littéraire, linguistique, religieux, philosophique et historique. En revanche, le travail de publication est plus long.»
Les manuscrits ont pour thèmes principaux l'origine du monde et la création de l'être humain, la nature de Dieu et le salut de l'âme. Selon Louis Painchaud, les textes gnostiques qu'ils contiennent véhiculent l'idée qu'un Dieu inférieur a créé le monde. Ce monde est imparfait, voire mauvais, puisque l'on doit tous mourir un jour et qu'il y règne bien souvent le Mal.
Le codex II contient l'Évangile selon Thomas, un recueil de 114 paroles attribuées à Jésus, que l'on retrouve parfois dans le Nouveau Testament. Ce texte, qui représente une pièce maîtresse de la recherche sur le Christ, débute par les mot suivants: «Voici les paroles secrètes que Jésus le Vivant a dites.» «C'est souvent énigmatique, allusif, donc susceptible d'interprétations multiples, explique–t-il. On y trouve des paraboles, des aphorismes, des maximes. Ce texte parle à tout le monde. Chacun y trouve ce qu'il cherche.»
En 2007, la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade a publié l'ensemble des traductions des manuscrits de Nag Hammadi préparées dans le cadre de ce projet. Un second tirage est en cours, après l'écoulement des premiers 10 000 exemplaires. Ces traductions sont aussi disponibles, mais sans annotations, à l'adresse suivante: naghammadi.org.
Un des participants au colloque, le professeur Einar Thomassen de l'Université de Bergen, en Norvège, recevra pour sa part un doctorat honoris causa en sciences religieuses de l'Université Laval lors de la cérémonie de la collation des grades du 13 juin. «Les recherches de l'Université Laval sur la Bibliothèque de Nag Hammadi, qui a amélioré notre compréhension de la religion chrétienne, sont reconnues internationalement, a-t-il déclaré. Cela fait plus de trente ans que j'ai le plaisir de collaborer avec ces chercheurs.»