Les chercheurs, dont le noyau provient du Département de biologie et de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes (IBIS), ont fait cette démonstration à l'aide de la protéine kinase A (PKA). Ce complexe protéique est présent dans la cellule des êtres vivants, depuis l'humble levure jusqu'à l'homme, et, le moins qu'on puisse dire, est qu'il ne chôme pas. «C'est un pivot de la régulation cellulaire, explique Marie Filteau, stagiaire postdoctorale et coauteure de l'étude. Ce complexe intervient dans la régulation d'une foule de processus cellulaires, notamment le métabolisme du glycogène, du glucose et des lipides, le maintien de l'homéostasie, la croissance et la différenciation cellulaires, la réponse au stress et le vieillissement.»
La PKA est formée de quatre sous-unités, soit deux copies de deux protéines distinctes. Lorsque les sous-unités sont assemblées, la PKA est inactive. En présence de certains signaux cellulaires, le complexe se désassemble et ses sous-unités réactives peuvent alors catalyser des réactions chimiques. Les chercheurs connaissent bien les processus qui sont régulés par la PKA, mais il existe des zones d'ombre sur ce qui se passe en amont. «Ce que nous voulions déterminer est ce qui régule le régulateur PKA», résume la postdoctorante.
Pour répondre à cette question, les chercheurs ont eu recours à 3 726 souches de levure, un organisme unicellulaire dont le génome a été entièrement séquencé. Dans chaque souche, un gène non essentiel à la survie avait été retiré, ce qui a permis aux chercheurs d'étudier l'effet de chacun de ces gènes sur la PKA. Comme la levure possède environ 6 000 gènes, c'est plus de la moitié de son génome qui a été passée au crible.
Résultat? «Nous avons démontré l'existence de 494 gènes qui agissent sur la PKA de façon directe ou indirecte, en l'activant ou en l'inhibant, résume la chercheuse. La PKA reçoit des signaux en provenance d'une multitude de processus biologiques, dont certains, comme l'autophagie (recyclage cellulaire), sont eux-mêmes régulés par la PKA. Elle traite l'information et agit comme centre de contrôle pour maintenir l'équilibre de la cellule. Les mécanismes cellulaires dans lesquels intervient la PKA s'apparentent davantage à un ensemble de boucles de rétroaction plutôt qu'à une cascade linéaire.»
Même si ces considérations sont très théoriques, elles ouvrent de nouvelles perspectives en santé. «Les gènes que nous avons repérés sont autant de cibles potentielles pour traiter les maladies associées à un mauvais fonctionnement de la PKA, souligne Marie Filteau. Vu les rôles joués par la PKA dans la cellule, on peut difficilement la cibler directement sans qu'il y ait de nombreux effets secondaires. Ce problème pourrait être atténué si on ciblait une protéine qui affecte la PKA en amont.»
L'étude publiée dans PNAS est signée par Marie Filteau, Guillaume Diss, Francisco Torres-Quiroz, Alexandre K. Dubé, Isabelle Gagnon-Arsenault, Andrée-Ève Chrétien et Christian R. Landry, du Département de biologie et de l'IBIS, Andrea Schraffl, Verena A. Bachmann et Eduard Stefan, de l'Université d'Innsbruck, et Anne-Lise Steunou, Ugo Dionne, Jacques Côté et Nicolas Bisson du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.