10 mai 2024
La Communauté métropolitaine de Québec à l’heure de la biodiversité
Une équipe de finissants à la maîtrise en aménagement du territoire et développement régional s’est penchée durant deux sessions sur le potentiel écologique des banlieues entourant la capitale
Maxime Lamonde-Dubé est finissante à la maîtrise à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval (ESAD). Durant la session d’automne 2023 et la session d’hiver 2024, elle a participé à l’essai-laboratoire de l’ESAD avec deux étudiantes et un étudiant, Élise Legault-Warren, Pauline Mosser et Jimy Bourassa. Ensemble, ils ont analysé le potentiel écologique des banlieues qui ceinturent la ville de Québec.
Le vendredi 26 avril, dans l’espace jardin du pavillon Alphonse-Desjardins, les quatre étudiants ont présenté les résultats de leur recherche lors d’une plénière réunissant les 7 équipes ayant participé à l’essai-laboratoire. Cette année, la thématique était «La banlieue dans tous ses états».
Un engagement de la Ville de Québec
L’origine du projet de recherche de Maxime Lamonde-Dubé et de ses collègues remonte au mois de décembre 2022 alors que se tenait à Montréal la 15e Conférence des Nations unies sur la biodiversité. À cette occasion, la Ville de Québec s’était engagée à obtenir la désignation de la capitale comme région de biosphère de l’UNESCO, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. Le projet d’essai-laboratoire visait donc à déterminer la contribution que les banlieues peuvent avoir dans ce processus de reconnaissance.
«Notre étude a démontré un grand potentiel de biodiversité sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec, explique l’étudiante. Nous avons étudié une zone plus large que celle de la ville de Québec. Dans les banlieues, il y a des éléments à considérer qui peuvent être bénéfiques à la biodiversité.» Selon elle, deux autres reconnaissances de l’UNESCO peuvent jouer en faveur de la capitale: Québec, ville du patrimoine mondial – par l’arrondissement historique du Vieux-Québec – et Québec, ville de littérature.
Antoine Verville renchérit. Directeur de la planification territoriale, de la mobilité durable et du développement social et économique à la Communauté métropolitaine de Québec, chargé de cours à l’ESAD, il a supervisé l’équipe qui a analysé le potentiel écologique des banlieues de Québec. Il rappelle que le statut de région de biosphère de l’UNESCO est habituellement attribué à des secteurs moins urbanisés. Or, Québec est fortement urbanisée en son centre. «Une des contributions des étudiants au projet de recherche, dit-il, a consisté à élargir le spectre afin de vraiment aller chercher les atouts en termes de biodiversité. Le territoire couvert va de la MRC de La Jacques-Cartier à la MRC de La Côte-de-Beaupré, incluant la MRC de L’Île-d’Orléans, l’agglomération de Québec et la ville de Lévis. Québec deviendrait la première région urbaine en Amérique du Nord à obtenir cette reconnaissance.»
Une typologie basée sur la biodiversité
Une partie significative de l’étude est consacrée aux différents visages de la banlieue de la Communauté métropolitaine de Québec. On parle ici de la banlieue pavillonnaire, de la banlieue à prédominance rurale, de la banlieue de villégiature et de la banlieue dense. Les chercheurs ont ensuite décomposé les banlieues urbaines en cinq sous-types: la banlieue périurbaine, la banlieue d’après-guerre, la banlieue de type post-villégiature, la banlieue dense minéralisée et la banlieue dense à forte canopée.
«Il existe déjà plusieurs typologies de banlieues, souligne le chargé de cours, mais les étudiants ont innové en proposant une typologie basée sur la biodiversité. Cela avait été très peu fait, selon ce qu’indique leur revue de littérature. Les banlieues d’après-guerre ou périurbaines sont des types de banlieues bien connus et documentés. Toutefois, l’ajout de critères de biodiversité, basés sur la couverture végétale par exemple, permet de mettre en lumière des banlieues à prédominance forestière, post-villégiature ou denses à forte canopée.»
Une carte réalisée par l’étudiante Pauline Mosser, pour représenter le potentiel écologique du territoire, montre une nette prédominance des zones vertes allant du vert pâle au vert foncé, ce qui correspond à un potentiel écologique faible jusqu’à un potentiel très élevé. Globalement, le territoire étudié est écologique à des niveaux variables dans sa presque totalité et la part du lion revient à la couronne nord avec une densité très élevée.
Les impacts du développement
Selon Maxime Lamonde-Dubé, les chercheurs ont tenté de faire ressortir les éléments qui peuvent avoir un impact, positif ou négatif, sur les écosystèmes étudiés. Dans leur rapport, on peut lire que les types de développement qui caractérisent les banlieues présentent à la fois des menaces et des occasions pour la préservation et la mise en valeur de la biodiversité. D’un côté, il y a l’étalement urbain qui contribue à altérer les milieux naturels. Les distances à parcourir, généralement longues, augmentent la nécessité d’avoir recours à l’automobile, laquelle, tout comme le réseau routier, est source de perturbation pour la faune. D’un autre côté, il y a dans les banlieues une disponibilité d’espaces où intégrer des parcs, des zones naturelles et de la végétalisation. Sans parler des cours d’eau sur le territoire étudié. Ces cours d’eau et leurs espaces riverains peuvent être connectés aux autres milieux naturels et agir ainsi comme corridors verts et bleus.
L’équipe d’étudiants a formulé une série de stratégies d’aménagement favorables au soutien de la biodiversité selon le type de banlieue. Parmi celles qui visent à réduire les menaces, mentionnons le fait de limiter l’ouverture de routes dans les banlieues de villégiature et faire du verdissement sur l’emprise publique dans les banlieues pavillonnaires et les banlieues denses.
Un atelier participatif
Un atelier participatif a permis d’analyser plus finement un quartier de la municipalité de Val-Bélair. En plus des étudiants, l’exercice a réuni un représentant de la Ville de Québec, un de la MRC de L’Île-d’Orléans et un de la Communauté métropolitaine de Québec. Ensemble les participants ont ciblé des éléments pouvant être bénéfiques à la biodiversité sur le territoire identifié ainsi que des éléments pouvant agir comme une menace à cette même biodiversité. Dans cette banlieue pavillonnaire, le potentiel écologique est modéré. Les participants à l’atelier suggèrent notamment de reconnecter deux milieux naturels importants. Pour cela, ils prônent la végétalisation de l’emprise publique, la renaturalisation du cours d’eau canalisé et l’acquisition des lots non exploités. Selon eux, le terrain de golf municipal pourrait être le lieu d’aménagements biodiversifiés par le reboisement et la création de milieux humides et hydriques.
«Un réseau d’acteurs est interpellé par le projet de région de biosphère, mais la Ville de Québec n’est pas l’acteur le plus central, d’autres acteurs ont plus de poids, indique Antoine Verville. Des entrevues individuelles ont été réalisées avec une vingtaine d’acteurs du monde municipal, du milieu universitaire, des organismes de conservation, même avec des gens qui sont passés par le processus ayant mené à la désignation de Charlevoix comme région de la biosphère par l’UNESCO en 1988. Un des résultats des entrevues est que la majorité est d’accord pour dire que ce serait correct que la Ville de Québec prenne l’initiative du projet. Mais qu’à terme, si on veut que ça fonctionne, il faudra une instance indépendante de gouvernance pour faire avancer les choses.»
Pour en savoir plus sur le projet d'essai-laboratoire «La banlieue dans tous ses états», lire l'édition 2023-2024 de Perspecto, la revue des travaux de l'essai-laboratoire de l'ESAD.