Comment soutenir l'autodétermination et la participation sociale des adultes polyhandicapés ou avec des incapacités sévères et multiples? Francine Julien-Gauthier, professeure à la Faculté des sciences de l'éducation, s'est penchée sur les bonnes pratiques dans six centres d'activités de jour au Québec, qui accueillent des personnes polyhandicapées de 21 ans et plus.
«Lorsque les jeunes sont à l'école, les parents peuvent travailler durant la journée. Mais lorsqu'ils sont plus vieux et qu'ils ont fini l'école, les centres d'activités de jour entrent en jeu, rapporte la chercheuse. C'est beaucoup plus que du gardiennage, les activités leur permettent de se développer, de s'épanouir tout au long de leur vie.»
Durant sa collecte de données auprès d'intervenants travaillant auprès des usagers des centres, Francine Julien-Gauthier dit avoir beaucoup appris. «On dit souvent que les personnes polyhandicapées ont une déficience intellectuelle profonde, mais je pense que c'est parce qu'on ne sait pas comment aller chercher leur plein potentiel. Grâce au soutien d'éducateurs expérimentés, de nombreux adultes polyhandicapés ont démontré de bonnes capacités cognitives et sociales.»
Des activités prometteuses
La chercheuse a constaté une grande créativité de la part des intervenants de services d'activités de jour. Parmi les meilleures pratiques pour optimiser la participation sociale: les activités musicales. «Faire de la musique permet de développer des habiletés de communication, d'être capable de s'exprimer, de bouger», explique la professeure.
Deux des centres d'activités de jour visités adaptaient des instruments pour les adultes polyhandicapés, selon les intérêts qu'ils manifestaient. «Si une personne pouvait participer uniquement avec son pied, ils adaptaient l'instrument pour qu'elle puisse faire bouger un tambourin avec son pied», illustre la chercheuse.
Un autre des centres proposait du karaoké en après-midi. L'objectif était de développer la voix et le corps puisque les personnes bougeaient en chantant. «Nous savons que les activités multimodales sont meilleures pour ces personnes, donc chanter, bouger, voir des stimuli sur des écrans, comme des musiciens, ça améliore la participation. Nous utilisons ainsi plusieurs voies sensorielles pour les rejoindre, car ils ne répondent pas tous aux mêmes stimuli.»
Outre la musique et le chant, de nombreux intervenants ont mentionné offrir des activités productives ou communautaires. Francine Julien Gauthier souligne que ce sont souvent les demandes des personnes polyhandicapées qui guident le choix des activités. «Il y avait des activités de cuisine et d'horticulture, où les personnes pouvaient apprendre à planter et s'occuper des fines herbes par exemple. Il y avait aussi certaines activités sociales. Dans un des centres, les personnes concevaient un parcours d'Halloween avec de la peinture et des cartons, puis les jeunes de l'école voisine étaient invités à le faire avec eux», rapporte Francine Julien-Gauthier.
Du côté de l'organisme Laura Lémerveil, dont l'équipe de recherche est partenaire, les activités sont ancrées dans la communauté. «Les services d'activités sont situés au centre-ville de Québec, ce qui permet aux personnes polyhandicapées d'interagir avec les intervenants d'autres organismes du secteur», ajoute la professeure.
Elle souligne la grande attention portée aux usagers des centres et la complicité avec les bénévoles et les intervenants. «Nous avons pu voir qu'il y avait un bon accompagnement des personnes handicapées, du soutien et des conseils qui étaient offerts aux familles. Les personnes sur place étaient dévouées et prenaient soin des usagers. C'est un service précieux pour les adultes polyhandicapés et leurs proches, qui leur permet de participer à la vie collective.»
Les défis du milieu
Au fil de son étude, Francine Julien Gauthier a ciblé les principaux défis des centres d'activités de jour. «Malgré leur grande créativité, les infrastructures ne sont pas nécessairement à la hauteur de ce que les centres veulent offrir», soutient-elle.
La professeure aborde entre autres l'accès limité à Internet et le peu de matériel informatique, ce qui limite la conception d'activités utilisant les technologies. Elle souligne le besoin de développer les services de transport adapté vers ces centres. Des familles doivent assumer le transport de leur enfant par manque de disponibilité.
Le partage des savoirs scientifiques qui découle des travaux de recherche et la formation continue du personnel font également partie des défis à relever. Des études sont en cours à l'Université Laval avec une équipe multidisciplinaire, en collaboration avec les intervenants des centres d'activités de jour, qui visent à améliorer l'accompagnement de ces personnes et leur participation dans leur collectivité.