13 mai 2024
Les traumatismes causés par les navires et les engins de pêche pourraient avoir des séquelles à long terme sur les rorquals
Une étude établit un lien entre la condition physique générale des rorquals et la présence de cicatrices cutanées résultant d'une collision avec un navire ou d'un empêtrement dans un engin de pêche
Les rorquals qui ont vécu un traumatisme physique résultant d'une collision avec un navire ou d'un empêtrement dans un engin de pêche auraient, ultérieurement, plus de difficulté à maintenir une bonne condition physique générale. C'est ce que suggère une étude présentée dans le cadre du congrès de l'Acfas par Anik Boileau, doctorante dans l'équipe du professeur Jamie Ahloy-Dallaire, au Département de sciences animales de l'Université Laval.
L'étudiante-chercheuse, qui est également directrice du Centre d'éducation et de recherche de Sept-Îles (CERSI), arrive à cette conclusion après avoir étudié le lien entre la présence de lésions cutanées et la condition physique générale de 50 rorquals communs et de 50 rorquals à bosse du golfe Saint-Laurent. Ses travaux reposent sur l'analyse de 6400 photographies de ces baleines prises entre 2016 et 2020.
«À l'aide de ces photos, nous avons pu déterminer la présence et l'importance de quatre types de lésions cutanées sur chacun de ces rorquals, explique la doctorante. D'abord, les lésions associées aux maladies d'origine virale, bactériologique ou fongique. Ensuite, les lésions causées par des parasites, tels que les lamproies et les squaletets féroces, ou par des épibiontes, des organismes comme les diatomées ou les balanes qui se servent des baleines comme substrat. Enfin, les lésions résultant de blessures causées par des activités humaines ou par d'autres espèces animales.»
Ces photos ont aussi servi à mesurer ce qu'Anik Boileau nomme «l'état de chair» des baleines. «Il s'agit d'un indicateur de santé physique générale d'un rorqual qui reflète l'état de ses réserves nutritives, précise-t-elle. Chaque rorqual a reçu un score qui pouvait aller de 0, pour les baleines émaciées, à un score de 4, pour les baleines ayant un état de chair optimal.»
La doctorante a constaté qu'environ 50% des rorquals de son échantillon portait des cicatrices attribuables à des collisions avec un navire ou à un empêtrement dans un engin de pêche. «Nos analyses ont révélé qu'il existe une forte corrélation entre la présence de ces cicatrices et l'état de chair des baleines, résume-t-elle. Les baleines qui ont eu des blessures plus importantes risquent davantage d'être amaigries, même une fois que ces blessures sont bien cicatrisées. Il se pourrait que ce traumatisme physique ait engendré un stress chronique qui fait en sorte que les rorquals n'arrivent pas à maintenir un état de chair optimal.»
Les lésions cutanées des rorquals sont l'un des éléments que la doctorante va prendre en compte dans l'élaboration d'un indice général de santé et de bien-être de ces cétacés. Cet indice va aussi intégrer l'état de chair ainsi que des paramètres physiologiques comme la température corporelle au niveau de l'évent, mesurée par caméra infrarouge, de même que le taux de certaines hormones et la composition du microbiote, mesurés dans les vapeurs du souffle produit par les baleines. À cela s'ajoutera un indicateur comportemental qui tiendra compte de comportements anormaux chez certains individus.
«Les humains se préoccupent depuis de nombreuses années de la santé et du bien-être des animaux domestiques, mais nous avons également une responsabilité éthique envers les animaux sauvages qui peuvent être affectés par les activités humaines. Pour être en mesure d'avoir la plus faible incidence possible sur ces animaux, il est important de disposer d'indicateurs qui nous permettent d'évaluer correctement leur état de santé et leur bien-être. Nous espérons que notre indicateur permettra de le faire chez les rorquals du Saint-Laurent», conclut Anik Boileau.
Les autres personnes qui ont collaboré à cette étude sont Jonathan Blais (CERSI), Yves Jean (TELUQ), Marie-Françoise Van Bressem (Cetacean Conservation Medicine Group), Kathleen Hunt (George Mason University) et Jamie Ahloy-Dallaire, de l'Université Laval.