Quels types de crimes sont touchés par l’imposition de peines minimales?
Les crimes sexuels, entre autres. Actuellement, ils suscitent un très grand opprobre social, mais il faut comprendre qu’ils ne se limitent pas aux viols. Il peut s’agir d’attouchements non consensuels ou de situations floues durant lesquelles de l’alcool a été consommé. Dans de tels cas, des peines minimales d’un an s’avèrent très problématiques. Si quelqu’un touche les seins d’une mineure dans une fête sans son consentement, c’est une agression sexuelle, mais cela doit-il entraîner forcément un an de prison? Même le meurtre, qui doit être puni très sévèrement selon l’avis de tout le monde, comporte des situations limites. Qu’on pense par exemple à l’affaire Latimer, où un père a tué sa fille très malade. Récemment, en Ontario, un jeune homme a été surpris lors d’une descente de police dans un appartement. Lorsque les policiers sont arrivés, il tenait à la main l’arme de son cousin, un individu lié au trafic de drogue, parce qu’il voulait se faire prendre en photo. Il s’est fait arrêter. Il risque maintenant une peine minimale de trois ans pour port d’arme chargée. En général, les sentences minimums sont prévues pour le crime moyen, mais certaines situations sont marginales.
Le gouvernement invoque la crise de confiance des citoyens qui auraient l’impression que les criminels ne sont pas assez punis. Qu’en pensez-vous?
Le populisme pénal est dans l’air du temps. Pourtant, l’an dernier, la criminalité a atteint son niveau le plus bas au Canada depuis 30 ans, tous types confondus (si l’on exclut la cyberpornographie, qui n’existait pas il y a trois décennies). La criminalité rapportée dans les médias ne correspond pas à la réalité, car les journalistes s’intéressent surtout aux crimes exceptionnels, à l’horrible, dont le public est friand. Finalement, le crime moyen, on n’en parle pas… Beaucoup d’études montrent, d’autre part, que les peines minimales de prison coûtent très cher et ne sont pas efficaces en matières de réhabilitation. Souvent, cela augmente même le risque de récidive. Un rapport de l’American Law Institute, qui élabore un code criminel modèle pour l’ensemble des États, considère d’ailleurs les peines minimales comme inefficaces et même nocives pour la société. Rappelons que les États-Unis constituent un pays hors normes à cet égard : à population égale, on y emprisonne sept fois plus de gens qu’au Canada. Selon moi, il faut dénoncer les politiciens qui pensent résoudre des phénomènes criminels extrêmement complexes en imposant des peines minimales d’emprisonnement. Ce genre de problème nécessite plutôt des mesures sociales et d’éducation. En se limitant à des peines minimales, les politiciens risquent de ne pas respecter leurs promesses...
Quelles sont les solutions de rechange à l’emprisonnement pour punir les criminels?
Cela fait longtemps que l’on explore d’autres méthodes, comme l’emprisonnement dans la communauté, où la personne est confinée à domicile. Lorsque cela a été mis en place en 1996, cela s’appliquait aussi aux crimes sexuels, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Il existe aussi des formes de réparation, qu’il s’agisse de verser de l’argent à des organismes qui viennent en aide aux victimes ou d’exécuter des travaux communautaires. La cour peut aussi décider d’imposer une probation, par exemple obliger les condamnés à suivre des cours ou des thérapies. C’est intéressant pour des gens peu scolarisés qui ont de graves problèmes de dépendance à l’alcool ou aux drogues. Ce type de réparation est plus efficace que la flagellation, qui comporte une part de vengeance par rapport au mal qui a été commis. Ce que nous vivons aujourd’hui avec les sentences minimales ressemble à une contre-réforme, car on restreint les solutions de remplacement à la prison.
AVIS DE MODIFICATION DU TEXTE
10 décembre 2012
Julie Desrosiers n'est pas criminologue, mais avocate. L'article a été modifié pour rectifier cette erreur.