
— Marc Robitaille
Q Pourquoi le Québec représente-t-il un potentiel de développement du gaz de schiste aussi important?
R Au Québec, on retrouve, sur près de 29 000 kilomètres carrés, une plate-forme de roches sédimentaires très anciennes qui datent de l’ordovicien-silurien, soit il y a environ 488 millions d’années. Il s’agit des basses terres du Saint-Laurent. Cette formation géologique située le long du fleuve sépare le bouclier canadien, orienté Nord-Est, des Appalaches, orientées sud-est. Constituées d’un mélange de calcaire, de schistes et de grès, certaines de ces formations, les «shales d’Utica », contiennent des réserves intéressantes de gaz. En fait, il faut que les sédiments organiques aient été suffisamment enfouis dans les profondeurs de la croûte terrestre pour que l’action conjuguée de la température et de la pression produise du gaz. Pour les basses terres du Saint-Laurent, il ne s’agit pas de réservoirs traditionnels car le gaz se trouve dans les argiles. Il faut donc l’extraire, en utilisant un mélange d’eau et de sable pour fracturer la roche. Les experts estiment le potentiel énergétique en gaz entre 5 et 25 trillions de pieds cube de gaz dans les shales d’Utica, soit environ 10 % à 30% des réserves canadiennes. C’est un gaz de très bonne qualité, qui contient plus de 90 % de méthane, donc un excellent potentiel énergétique. C’est un produit vedette. Il semble donc logique que le gouvernement veuille développer ce secteur. Par ailleurs, le bassin du Saint-Laurent offre l’avantage d’avoir des réserves moins profondes qu’ailleurs, mais quand même assez enfouies pour ne pas poser de problèmes de contamination avec les nappes phréatiques.
Q Justement, plusieurs groupes environnementalistes et des municipalités réclament que le gouvernement du Québec institue un moratoire sur cette industrie, le temps de débattre des risques que cela représente….
R Ce n’est pas nécessaire car la technologie utilisée au Québec a déjà été testée ailleurs, notamment dans l’État américain de la Pennsylvanie, et la majorité des gazoducs existent. Déjà, les ingénieurs construisent des coffrages imperméables en béton le long des puits pour éviter la contamination des nappes phréatiques. Les citoyens s’inquiètent aussi des grandes quantités d’eau nécessaires pour la fracturation. Il faut savoir qu’avec seulement 1% de l’eau utilisée par l’industrie des pâtes et papiers chaque année au Québec, on peut extraire du gaz dans 200 puits. Or, le potentiel de développement de l’industrie gazière d’ici est estimé à un millier de puits d’ici 20 ans. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ne faut pas réglementer ce secteur.
Q Pourquoi légiférer si l’exploitation du gaz de schiste ne pose pas de problèmes environnementaux?
R La loi actuelle sur les mines n’est pas adaptée à ce type de gisement. Il faut prendre conscience que forer pour du gaz ou du pétrole est très différent de l’exploration minière. Si, dans le futur, le gaz devient une des sources principales d’énergie, le gouvernement a la responsabilité d’implanter des règlements spécifiques pour l’industrie, en définissant des standards. Par exemple, quels éléments doit contenir le fluide utilisé pour la fracturation? Ou, encore, comment s’assurer que les stations d’épuration décontaminent les boues usées de façon adéquate? Pour l’instant, les entreprises décident de leurs propres méthodes de travail. Elles calculent donc que ces coûts ne sont pas trop élevés par rapport à l’argent qu’elles dépensent, tout en sachant qu’il leur faut préserver leur image environnementale. Par contre, il ne faut pas non plus imposer de trop nombreux règlements. L’industrie se compose en partie d’entreprises juniors qui pourraient disparaître s’il y a des règles très complexes. C’est donc un choix collectif à effectuer.
Propos recueillis par Pascale Guéricolas