
Résister tant bien que mal
Dans sa thèse dirigée par Thomas De Koninck, Luc Beaubien explore notamment la conception du mal chez Jung. Pour le grand psychiatre suisse, le mal prend racine dans la résistance, dans une volonté quasi démoniaque empêchant la parole d’émerger, avec le résultat qu’au bout du tunnel surgit la grande noirceur du refoulement au lieu de la lumière. «Dans celui qui s’abandonne dans l’ombre et accepte de voir ce que cache cette part d’ombre en lui, je serais porté à voir la présence de Dieu», disait Jung pour illustrer la nécessité pour l’être humain de faire face à ses démons plutôt que de se cacher la vérité. «Si vous ne vous occupez pas de votre ombre, c’est votre ombre qui s’occupera de vous», dit Luc Beaubien, traduisant bien l’importance de tenter de faire la lumière sur cette part en quelque sorte négative pour ne pas dire maléfique que chacun porte en lui. Qu’on pense à cet homme rongé par la jalousie qui assassine sa femme et ses enfants parce qu’il ne peut supporter l’idée de l’abandon. Sur le plan collectif, cette ombre se manifeste par des conflits, le racisme et la haine. Dans un cas comme dans l’autre, le manque de conscience face à ce qui est conduit tout droit au chaos.
«Jung considérait que le bien consistait à être en accord avec soi-même, souligne Luc Beaubien. Ce qui n’empêche pas qu’on doive garder l’œil ouvert sur ses zones d’ombre et ses refoulements. À ses yeux, ne pas résister à son inconscient et être à l’écoute de sa voix intérieure représentaient les chemins menant vers le bonheur. Il croyait ainsi que dès qu’une personne prenait conscience de ses difficultés, la partie était presque gagnée et que la lumière avait des chances d’advenir.»