«Il m’a fallu près de 15 jours pour placer l’installation et trouver l’emplacement de chacun des éléments en répétant certains ensembles comme celui des rosaces», explique l’artiste Jean-Marc Mathieu-Lajoie. Ce diplômé de l’École des beaux-arts et de l’École des arts visuels dans les années 1970 se défend bien de présenter une œuvre qui met en pièces la religion. En fait, il refuse d’endosser un discours iconoclaste sur les méfaits de la religion catholique, pas plus qu’il ne veut tomber dans le mysticisme. Ce collectionneur acharné de statues religieuses souhaite avant tout susciter des questions sur la spiritualité et sur l’avenir du patrimoine religieux québécois en péril.
Pour réaliser son œuvre, il a utilisé des éléments de décoration de l’église des soeurs Franciscaines, située au 388 Grande Allée et abandonnée dans les années 1990, malgré l’opposition d’un comité de citoyens qui réclamait son classement à la Ville de Québec et au ministère de la Culture et des Communications. Le propriétaire, le promoteur immobilier Michel Cadrin, qui a reçu le droit de démolir l’édifice religieux en 2007, lui a permis de travailler pendant plusieurs mois à l’intérieur pour récupérer les statues et les rosaces installées en 1894. «Il a fallu installer un échafaudage pour récupérer une à une, sans les briser, les fleurs vissées dans le plafond à 65 pieds de hauteur, raconte l’artiste. Les statues, elles, on les a découpées pour ne pas les abîmer. J’ai choisi d’enlever les bras des anges pour l’installation, mais ils sont conservés.»
Connu à Québec comme un collectionneur invétéré de casse-tête, Jean-Marc Mathieu-Lajoie donne un sens nouveau à ces montages en apparence sans surprise. En 2003, il avait produit pour la Manif d’art des images saisissantes en utilisant plusieurs casse-tête différents vendus dans le commerce dont les formes des pièces étaient semblables. À ses yeux, Les anges déchus s’inscrivent en continuité dans ce travail de détournement des apparences. Une fois installées par terre, au milieu de rosaces dispersées et de morceaux de colonnes, les statues semblent interpeller les visiteurs sur leur sort. Au fond, l’œuvre de l’artiste pose une question simple: que faire aujourd’hui d’un patrimoine religieux auquel le Québec a consacré tant d’argent et d’énergie à ériger au cours des derniers siècles?
La Galerie des arts visuels est située au 255 boulevard Charest Est. Les heures d’ouverture de la Galerie sont du mercredi au vendredi de 11 h 30 à 16 h 30 et les samedi et dimanche de 13 h à 17 h.