
Guy Bussières inspecte un des quatre pièges à scolytes installés sur le campus.
— Marc Robitaille
Le scolyte européen a été signalé pour la première fois au Canada en 1946, en Ontario. Il a fait son apparition au Québec dans la région de Montréal aux environs des années 1970. «Dans la région de Québec, on a longtemps cru que la rigueur des hivers nous protégeait contre cet insecte, de sorte que peu d’attention a été accordée au suivi de sa population, souligne Guy Bussières. On réalise maintenant que ce n’est pas le cas.» Ce spécialiste de foresterie urbaine et des maladies de l’arbre a lui-même pris conscience de la nécessité d’avoir cet insecte à l’œil en 2002 alors qu’il a découvert, sur la rive sud de Québec, des arbres qui contenaient des larves de cet insecte.
Confrontée à cette menace, la Ville de Québec a mis sur pied en 2005, avec la collaboration du Département des sciences du bois et de la forêt, un réseau de surveillance du scolyte européen. Cette année, ce réseau comprend 84 pièges répartis entre 42 stations, couvrant tous les arrondissements de Québec. «Les pièges sont installés sur des poteaux d’Hydro-Québec (avec la bénédiction de la société d’État). Ils contiennent une substance attractive, similaire à celle produite par l’orme, et une phéromone d’agrégation. Des stagiaires de la Ville de Québec effectuent l’installation et le relevé mensuel des pièges. De notre côté, nous faisons toutes les analyses», résume Guy Bussières. De plus, quatre pièges ont été installés sur la cité universitaire pour assurer un suivi hebdomadaire de cet insecte sur le campus.
La surveillance des populations de scolyte européen permet de repérer les points névralgiques où l’éclosion de cas de maladie hollandaise de l’orme risque de survenir. «Grâce à ces données, on peut concentrer les efforts de surveillance de la maladie dans les secteurs où le scolyte est particulièrement abondant. Il faut miser sur la détection précoce pour contenir les effectifs du scolyte et la maladie.» Lorsque moins de 5 % du feuillage est atteint, il est possible de procéder à un élagage chirurgical des branches affectées. Si plus de 10 % du feuillage est touché, il faut procéder à l’abattage de l’arbre.
Alors que Montréal a baissé les bras devant la maladie hollandaise de l’orme, Québec déploie de valeureux efforts pour conserver l’orme d’Amérique, son arbre-emblème. Au cours des dernières années, la Ville a d’ailleurs fait appel à des étudiants de l’Université pour réaliser un inventaire complet des ormes sur les terrains publics et privés de son territoire. L’Université n’est pas en reste puisqu’elle suit de près l'état de santé de ses ormes depuis le début des années 1980. Guy Bussières effectue chaque été la tournée des ormes du campus à l’affût des principaux symptômes de la maladie hollandaise: flétrissement du feuillage, brunissement et chute des feuilles. Depuis 2002, plus d’une cinquantaine d’ormes ont dû être abattus sur le campus. Deux facteurs expliqueraient cette tendance à la hausse: les étés relativement secs que nous avons connus et l’action du scolyte européen. Si l’on inclut les arbres d’alignement et ceux qui poussent dans les boisés, le campus compterait plusieurs centaines d’ormes. Le patriarche du groupe, qui orne le terrain situé devant le pavillon de l'Est, aurait plus de 250 ans. Les plus beaux spécimens, âgés d’une cinquantaine d’années, forment d’élégants alignements le long du Grand axe et de la rue de la Terrasse.