C’est à la lumière d’une pratique utilisée par les acériculteurs d’antan que les deux chercheurs ont eu l’idée de congeler à répétition l’eau d’érable pour en concentrer le sucrose et les autres molécules qui lui procurent sa saveur. «Autrefois, l’eau d’érable s’accumulait goutte à goutte dans des chaudières durant une journée ou deux avant d’être récoltée, rappelle Damien De Halleux. Après une nuit froide sous le point de congélation, une partie de l’eau d’érable contenue dans la chaudière se transformait en glace pure menant à une plus grande concentration de l’eau d’érable restante. L’acériculteur expérimenté savait qu’en retirant le glaçon ainsi formé durant la nuit et en ne récoltant que la partie liquide de la chaudière, il obtenait une eau d’érable plus sucrée.»
Les chercheurs ont repris cette façon de faire en y ajoutant une touche technologique. «Nous congelons la sève d’érable à une température contrôlée, puis nous la soumettons à une décongélation partielle assistée par micro-ondes, explique Mohammed Aïder. Les micro-ondes réchauffent davantage l’eau sucrée que la glace, ce qui permet de séparer la fraction d’eau d’érable sucrée de celle d’eau pure congelée.» Il faudrait plusieurs heures pour séparer les deux fractions si on les laissait dégeler à la température ambiante. Le recours aux micro-ondes réduit la durée de l’opération à moins de cinq minutes, sans altérer la saveur du produit final.
Présentement, beaucoup de petits producteurs font encore appel à l’évaporation pour concentrer l’eau d’érable, une méthode exigeante en temps et en énergie. Dans les grandes érablières, les producteurs utilisent l’osmose inverse, un procédé de filtration qui requiert une membrane spéciale et une pompe. La cryoconcentration permet de produire un concentré d’eau d’érable similaire à celui obtenu par osmose inverse. Dans un article qu’ils publient dans le Journal of Food Engineering, les deux chercheurs rapportent qu’après quatre cycles de gel, ils parviennent à faire passer le taux de sucrose dans l’eau d’érable de 2 % à 16 %.
De nombreux défis de mise à l’échelle devront être relevés avant que la cryoconcentration ne fasse son entrée dans les cabanes à sucre, reconnaissent les deux chercheurs. La démonstration de la rentabilité de cette approche par rapport aux autres filières reste aussi à faire. Toutefois, les nuits froides de mars et d’avril constituent de véritables subventions énergétiques naturelles qui pourraient faire pencher la balance pour le nouveau procédé.