Ayant hérité de l’entreprise familiale à la mort de son père survenue en 1982 alors qu’elle était âgée de 24 ans, Denise Verreault n’a pas été longue à comprendre les rouages et mécanismes de cette gigantesque affaire qu’est un chantier maritime. «Les installations étaient là, mais elles étaient moins évidemment connues qu’aujourd’hui», souligne cette diplômée en éducation préscolaire et en enseignement primaire de l’Université du Québec à Rimouski. «Par contre, l’entreprise était reconnue pour son intégrité, son honnêteté et la qualité de ses services. En affaires, il s’agit d’une excellente carte de visite. J’ai décidé de tabler là-dessus.»
Le nerf de la guerre
D’année en année, le chantier a grandi et s’est développé, avec le résultat que l’entreprise, qui concentre ses activités dans la transformation et la réparation de navires, occupe actuellement dans l’industrie maritime une place de choix en Amérique du Nord. Malgré l’ampleur du chemin parcouru, Denise Verreault refuse pourtant de s’asseoir sur ses lauriers. «On ne se développe pas uniquement en réparant des bateaux, mais en en construisant, insiste-t-elle. C’est le nerf de la guerre. Mais le plus important pour moi est de garder le chantier ouvert.» Dans cette foulée, elle critique vertement les gouvernements de soutenir les chantiers de Lévis par des subventions indirectes et d’ainsi créer une concurrence déloyale avec Groupe Maritime Verreault. «S’il avait fallu attendre le soutien des politiciens pour rester en vie, on aurait attendu longtemps», assure-t-elle, la tête remplie de projets. «Je pense à une entreprise comme la Société des alcools du Québec, le plus grand importateur de vins au monde. Pourquoi ne pourrions-nous pas transporter le vin que nous buvons? Le potentiel économique rattaché à l’industrie maritime est insoupçonné. Il faut créer de la richesse.»
Quant à l’avenir de la Gaspésie, Denise Verreault se montre prudente, affirmant qu’il revient aux habitants de la région de se prendre en main. «Je ne crois pas que c’est en attendant le messie qu’on arrivera à quelque chose, explique-t-elle avec son franc-parler habituel. Pour l’instant, c’est embryonnaire. Mais on dit que la nécessité est la mère de l’invention; alors il va forcément se passer quelque chose.» Interrogée sur les difficultés qu’elle aurait pu vivre en tant que femme évoluant dans le monde d’hommes qui est celui des bateaux, Denise Verreault ne croit pas que cette situation l’a desservie. «Mon père m’a toujours amenée partout avec lui, que ce soit à la chasse au caribou ou à la pêche, révèle-t-elle. Il ne m’a sûrement pas élevée différemment parce que j’étais une fille. Il m’aimait et avait confiance en mes capacités.»