Soudain, ils aperçoivent une voiture immobilisée de travers sur l'accotement. Quelques mètres plus loin gisait le corps d'une femme. Celle-ci semble avoir été frappée accidentellement par le véhicule. Aussitôt, quelques étudiants lui portent assistance ainsi qu'aux passagers. Les autres poursuivent leur route.
Arrivés à destination, les stagiaires doivent immédiatement gérer plusieurs situations d'urgence. Au milieu du lac, une femme s'agrippe à un canot et crie à l'aide. Sur la rive, une femme nécessite des manœuvres de réanimation. Elle a été atteinte par la chute d'un arbre frappé par la foudre. Plus loin, il faut sortir un homme d'une tente en feu, apparemment intoxiqué par du monoxyde de carbone. Un autre s'est sectionné la jambe avec une scie à chaîne. Des personnes souffrent de déshydratation, une autre d'une réaction allergique exacerbée, le choc anaphylactique. La nuit tombe. L'obscurité complique la prise en charge et le transport des «blessés» vers un lieu sécuritaire. Dotés de leur lampe frontale, les étudiants poursuivent néanmoins leur travail.
Concentrés, efficaces et investis dans leur recherche de solutions, les stagiaires ont fonctionné dans un esprit de collégialité. La mise en commun des idées de chacun a conduit à des solutions ingénieuses qui ont grandement facilité le travail de tous.
«J'ai décidé de participer à ce stage parce que je voulais repousser mes limites et en apprendre davantage sur la réalité de la médecine en région, explique l'étudiante de 3e année Laura-Philippe Vigneault. De plus, j'étais grandement interpellée par la pratique de la médecine dans un contexte de ressources limitées, loin des imageries médicales et des examens de laboratoire. Dans le cadre du stage, nous avons été confrontés à des situations extrêmement variées qui nous mettaient à l'épreuve de différentes façons.»
Au début de son stage, Laura-Philippe Vigneault n'était pas certaine d'avoir les compétences médicales nécessaires pour être une bonne secouriste. L'expérience allait lui démontrer le contraire.
«Au fil des ateliers, dit-elle, nous avons pu acquérir des connaissances et développer des compétences qui nous ont permis de prendre en charge des problèmes de santé assez graves. Je crois que le manque de ressources m'a permis de développer une ingéniosité qui me sera très utile. En effet, lorsque nous n'avons que peu de ressources, il faut s'adapter et ne pas appliquer à la lettre des protocoles définis pour la pratique en milieu hospitalier. Il n'a pas toujours été facile de réagir. Il a fallu revenir aux bases et développer notre capacité à bien examiner les patients et à interpréter les signes et symptômes. Il est surprenant de voir à quel point on peut très bien se débrouiller dans plusieurs situations.»
Le stage a constitué une belle surprise pour l'étudiante. Laura-Philippe Vigneault s'est découvert la capacité à être réactive malgré le stress et à demeurer calme en toute circonstance. Son plus grand apprentissage a toutefois été d'apprendre à fonctionner à l'intérieur d'un grand groupe, en plus de développer un leadership adapté à une multitude de situations.
Une formation originale et spécialisée
Le médecin résident en médecine d'urgence spécialisée David Paré a mis ce stage sur pied en 2017 avec deux habitués des grands espaces, notamment Jean Désy, chargé d'enseignement clinique au Département de médecine familiale et de médecine d'urgence de l'Université Laval. Les partenaires du projet sont le CISSS du Bas-Saint-Laurent, le ministère de la Santé et des Services sociaux, et le Regroupement des étudiants en médecine de l'Université Laval.
«Cette année, souligne David Paré, de nombreux intervenants de la santé avec expertise particulière nous ont rendu visite durant le stage. Ces expertises allaient de la physiothérapie à la médecine du Grand Nord, en passant par la chirurgie traumatologie et la médecine tropicale. Le bilan final est franchement un succès sur toute la ligne. L'intensité et les émotions vécues lors du stage reflètent bien les objectifs fixés initialement. Bien qu'il y ait des notions théoriques importantes, ce qui restera dans la tête des étudiants est sans aucun doute l'expérience humaine vécue.»
Le concept de stage en région isolée vient d'un urgentologue américain. Dans sa forme actuelle, il est unique au Québec. Première canadienne, ce stage est intégré au cursus médical comme stage à option de deux crédits.
Selon David Paré, une grande partie de ceux et celles qui s'inscrivent au stage le font, entre autres, pour apprendre à gérer leur stress lors de situations critiques. Cette formation attire notamment les adeptes du plein air ou du voyage. Certains ont un intérêt pour la médecine en région.
Trois instructeurs encadraient le groupe cette année. «Les instructeurs se fixent comme mandat de sortir tous les étudiants de leur zone de confort, indique David Paré. Je mentionne au début que si un étudiant ne commet aucune erreur durant le stage, c'est parce qu'il ne s'est pas suffisamment impliqué! Il faut comprendre que la majorité d'entre eux n'ont jamais eu d'exposition clinique, alors ce cours axé sur la pratique est certes une nouveauté pour eux. Le résultat final de la grande simulation a démontré une progression phénoménale de leur expertise et de leurs capacités de leadership et de travail d'équipe.»
Et la quinzaine de bénévoles-acteurs de la région qui jouaient les «blessés»? «Je dois lever mon chapeau à l'équipe du CISSS du Bas-Saint-Laurent, qui avait la tâche de recrutement, répond-il. Ce n'est jamais facile comme tâche, mais ils m'ont grandement surpris cette année. Les acteurs ont tous excellé dans leur rôle, ce qui a permis d'augmenter le réalisme de la simulation.»
Au bord du lac, un étudiant porte secours à un «blessé» joué par un citoyen bénévole de la région.
Photo : CISSS-BSL