Le chrysotile tue
Avec tout le respect que je dois à mes collègues Georges Beaudoin, Josée Duchesne, Tomas Feininger et Réjean Hébert, je me dois de dire qu’ils sont victimes de la vaste campagne de désinformation organisée depuis plusieurs décennies par les compagnies qui exploitent l’amiante au Québec et dans le monde. Je n’oserais pas penser qu’ils puissent en être des promoteurs. L’Institut du Chrysotile, que nos gouvernements s’obstinent à financer à même nos impôts, fait bien ce travail.
Le chrysotile provoque l’amiantose, le cancer du poumon et le mésothéliome, ainsi que d’autres cancers. Qu’il soit moins puissant que les amphiboles pour ce faire est une question du même ordre que de considérer les dommages créés par une bombe atomique de 1 mégatonne vs de 10 ou 100 mégatonnes. Elles tuent toutes. Nos géologues sont compétents en géologie, nous n’en doutons pas. Mais les professeurs éduquent aussi des citoyens et des citoyennes. Je les invite à lire et à méditer un livre comme Defending the indefensible: The Global Asbestos Industry and its Fight for Survival de Jock McCulloch et Geoffrey Tweedale paru aux Presses de l’Université d’Oxford en 2008. Ils liront avec un intérêt particulier le chapitre 5 qui démonte, avec toutes les références voulues, ce mythe de l’innocuité du chrysotile.
Ceci dit, il est vrai que l’on peut manipuler le chrysotile de façon sécuritaire tout comme on peut manipuler de façon sécuritaire les matières radioactives ou le virus de l’Ébola…
YV BONNIER VIGER
Médecin spécialiste en santé communautaire,
professeur au département de médecine sociale
et préventive de la Faculté de médecine
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L’amiante et le chrysotile: on mélange des pommes et des bananes
Les collègues Beaudoin, Duchesne, Hébert et Feininger du Département de géologie et de génie géologique sont vexés de l’ignorance toute béotienne avec laquelle les gens de l’Institut national de santé publique du Québec amalgament deux familles de fibres minérales dotées de propriétés magnifiques. Je tiens à les assurer que leur irritation sera communiquée à qui de droit. On eût souhaité qu’ils expliquassent en quoi cette clarification taxonomique changera le lot des centaines de Québécois qui périssent prématurément chaque année de leur exposition à l’amiante. Car pour être structurellement différenciées, les six variétés de fibre minérale regroupées sous le terme générique d’amiante ont toutes en commun d’être cancérogènes. À quoi pourrait bien servir l’augmentation de la précision de l’identité des fibres à part donner l’impression d’accréditer la légende urbaine que n’a jamais cessé d’être, l’utilisation sécuritaire du chrysotile? Souhaitons pour l’honneur de nos très distingués collègues que l’Institut du chrysotile n’exploite pas leur mouvement d’humeur pour la caution scientifique qui lui fait cruellement défaut depuis si longtemps.
FERNAND TURCOTTE
Professeur émérite de santé publique et médecine préventive
Faculté de médecine