Nadjla Derdour, Moustapha Lo, Anaïs Paré, Rose Pichette et Jeanne Wurmser sont inscrits à la maîtrise professionnelle avec essai en aménagement du territoire et développement régional. Comme 32 de leurs confrères et consœurs, ces étudiants ont consacré les sessions d’automne 2020 et d’hiver 2021 à un projet de recherche dans le cadre de l’essai-laboratoire de l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional. Cette année, neuf projets de recherche ont été réalisés à Lévis, près de Québec. Ils ont fait l’objet d’une plénière en mode virtuel, le 30 avril.
Le projet de Nadjla Derdour, Moustapha Lo, Anaïs Paré, Rose Pichette et Jeanne Wurmser consistait à analyser les tenants et aboutissants du programme Virage zéro déchet. Ce projet-pilote de la Ville de Lévis a pour objectif d’accompagner les ménages participants dans une démarche visant la réduction des déchets domestiques par des comportements alternatifs de consommation.
«Ce projet-pilote est une initiative originale qui vise à faire de Lévis une ville "zéro déchet" d’ici 2030, souligne la professeure Geneviève Cloutier, qui a supervisé l’équipe d’étudiants. Ce projet est associé au leadership du maire Gilles Lehouillier. Il s’articule avec la planification globale de la municipalité. Au Québec, chaque municipalité est tenue d’avoir un plan de gestion de ses matières résiduelles. Lors de la plénière du 30 avril, le maire Lehouillier a démontré, dans son intervention, son intérêt pour l’aménagement et l’urbanisme, associant Lévis, en corollaire, au développement durable. Il voit l’intérêt pour Lévis de développer une image verte, ce qui n’est pas en contradiction avec un certain dynamisme industriel un peu plus traditionnel.»
Une démarche zéro déchet tend vers la disparition pure et simple des déchets que nous produisons, principalement dans le domaine de l’alimentation. Implicitement, le zéro déchet sous-entend la poursuite d’un mode de vie écoresponsable et sobre en carbone. Plusieurs stratégies de gestion des ressources, fondées sur une conception circulaire de l’économie, impliquent de questionner nos choix et nos modes de consommation pour diminuer le superflu.
Plus que le tri des matières résiduelles
Le projet Virage zéro déchet a été lancé en 2018. Cette démarche voyait plus large que le tri des matières résiduelles. «En choisissant d’expérimenter pour réduire à la source, dit la professeure, la Ville de Lévis montrait qu’elle avait envie de se positionner parmi les municipalités québécoises les plus innovantes.»
En 2019 et 2020, une vingtaine de ménages ont rempli chaque fois un formulaire d’inscription au projet. Un sondage mené en 2020 a montré un taux de satisfaction du programme d’environ 60%. En outre, plus de 90% des répondants se sont dits satisfaits de l’accompagnement reçu. Enfin, 86% des participants pensaient maintenir leurs nouvelles habitudes zéro déchet à la fin du programme.
«Ces quelque 40 ménages représentent un bon point de départ pour le projet, soutient Geneviève Cloutier. Ils ont adhéré de leur propre chef. Ils n’ont pas été recrutés après des mois de sensibilisation par la Ville.»
Un autre sondage révèle qu’un peu plus de la moitié des ménages participant au Virage zéro déchet ont plus de 40 ans. Les deux tiers vivent dans une maison unifamiliale avec un enfant. Près des deux tiers détiennent un diplôme universitaire.
«L’élément "diplomation" nous a frappés, poursuit-elle. Les personnes qui constituent ces ménages ont une formation qui les a amenées à prendre conscience de la pertinence du mode de vie écoresponsable. Des travaux scientifiques soutiennent ce lien. La transition se fait plus facilement lorsqu’on a déjà intégré des valeurs environnementales ainsi que des habitudes alternatives de consommation. On peut, par exemple, être plus enclin à participer à des groupes d’achats, ou à des cuisines collectives.»
Être accompagné dans sa transition
Participer au projet-pilote Virage zéro déchet, cela signifie être accompagné dans sa transition vers un mode de vie écoresponsable grâce à une série d’activités de groupe telles que visiter des infrastructures, assister à des ateliers zéro déchet, ou participer à des activités d’échange et de discussion. Les ateliers permettent d’apprendre, entre autres, à confectionner des produits ménagers ou cosmétiques, et à valoriser jusqu’au bout de leur vie utile certains produits achetés.
«En créant une cohorte, explique la professeure, cela favorise un effet d’entraînement. S’inspirer mutuellement et se soutenir donnent le sentiment de faire partie d’un mouvement et donnent plus de chances d’intégrer et de rendre pérennes des pratiques.»
Depuis 2018, on observe un changement chez un nombre grandissant de commerçants d’alimentation de proximité de Lévis. Des entrevues par courriels montrent que ceux-ci se sont inscrits au Circuit zéro déchet parce que cela correspond à leurs valeurs et répond à la demande de leurs clients. Cette clientèle recherche les commerces qui favorisent la réduction des déchets et l’élimination de l’emballage, qui permettent notamment l’utilisation de contenants réutilisables et qui vendent des produits en vrac.
Selon Geneviève Cloutier, le Circuit zéro déchet est une très bonne idée. «Il s’agit clairement d’une image de marque», affirme-t-elle. Elle ajoute que les commerçants soulèvent le problème du manque de visibilité. «La plupart, dit-elle, souhaiteraient que la municipalité participe à la diffusion de l’information sur le zéro déchet et valorise la présence de leurs établissements comme une avenue écoresponsable.»
En conclusion à sa recherche, l’équipe étudiante y va d’une dizaine de recommandations. Mentionnons l’accès amélioré aux commerces de proximité par le développement de modes de transport alternatifs et actifs, la mise en place de réglementations incitatives innovantes, notamment pour la redistribution alimentaire, la consigne et les emballages, et la sensibilisation de la population par une campagne de communication et des événements zéro déchet.
En février 2021, l’administration municipale de Lévis a entrepris une consultation publique dans le cadre de l’élaboration de sa Politique environnementale. Le zéro déchet fait partie de cette consultation. Selon l’équipe de chercheurs de l’essai-laboratoire, la Ville a en main tous les outils pour la mise en place d’un projet ambitieux capable de paver la voie aux municipalités du Québec en matière de zéro déchet.