
Madame Émilie Tremblay, en 1898, près du ruisseau Eldorado, au Yukon. Son neveu Edmond Tremblay se tient devant le cheval et Télesphore Simard, un Canadien-Français originaire de Baie-Saint-Paul, au Québec, est derrière.
— Société historique du Saguenay
Cette vie aventureuse vécue à une époque déjà lointaine est l'un des nombreux récits passionnants que l'on peut trouver dans le site Web Le Corridor – patrimoine, culture et tourisme francophone Canada. Ce site, géré par le Réseau de développement économique du Canada (RDÉC), a vu le jour au printemps dernier. Il contient de l'information sur 150 lieux et événements patrimoniaux et culturels. Un tiers d'entre eux couvre le Canada atlantique, un autre tiers le Québec et le dernier tiers l'Ontario, les provinces de l'Ouest et les territoires. Le site contient aussi 200 sujets supplémentaires à caractère touristique qui renvoient au fait français.
Le ministère du Patrimoine canadien a assuré la majeure partie du financement du projet et le RDÉC a contribué à sa réalisation. La réalisation des contenus à caractère patrimonial et culturel a été confiée au Laboratoire d'enquête ethnologique et multimédia de l'Université Laval, que dirige le professeur Laurier Turgeon, du Département des sciences historiques. Celui-ci est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique.
«Nous sommes allés dans les 10 provinces et les 3 territoires, même chez les Inuits, explique le professeur. Il a été très émouvant de rencontrer les francophones du Canada, de les écouter, de constater leur résilience et leur joie de vivre en dépit de leur situation de minoritaires. Ils ont un patrimoine immatériel très riche.»
Le Corridor se veut un témoin du rôle déterminant joué par les francophones tout au long de la construction du Canada. Une longue et riche visite multimédia invite les internautes, au fil des kilomètres et d'une province à l'autre, à découvrir ou à redécouvrir le fait français d'autrefois et d'aujourd'hui. Le site met en valeur des bâtiments historiques, des sites naturels et des festivals comme le carnaval d'hiver de Québec, le Grand Tintamarre du Festival acadien de Caraquet et le Festival du voyageur de Saint-Boniface. Il montre aussi des fêtes, des pratiques artisanales et artistiques, des savoirs traditionnels, des chansons, musiques et danses d'autrefois. «Sans oublier la nourriture, ajoute le professeur. Par exemple, la cabane à sucre occupe une place prépondérante dans notre patrimoine. On en voit un peu partout chez les francophones au Canada.»
Les moyens techniques employés vont des images anciennes aux animations 3D, en passant par des témoignages audio, des témoignages vidéo et des visites virtuelles. «Le site contient une quarantaine d'archives orales, précise-t-il. Des étudiants en théâtre de l'Université Laval lisent à haute voix des textes écrits par des personnages historiques, comme Louis Riel, Wilfrid Laurier ou le capitaine Joseph-Elzéar Bernier.»
Les pages virtuelles consacrées à la Nouvelle-Écosse mettent en lumière deux sites patrimoniaux reconstitués remontant à la Nouvelle-France. L'un est l'Habitation française pionnière de Port-Royal, dont la construction originale date de 1605. L'autre est la ville-forteresse française de Louisbourg, datant de la première moitié du 18e siècle. «L'animation 3D de la forteresse de Louisbourg, de 1713 à aujourd'hui, est un des éléments vedettes du site Web, soutient Laurier Turgeon. Elle est très dynamique sur le plan visuel. Elle soulève beaucoup d'émotions. Une animation 3D permet, si l'on peut dire, d'évoquer l'histoire en un clin d'œil. Une autre animation 3D montre l'évolution de la mission religieuse du Lac Labiche, en Alberta, des années 1850 à aujourd'hui. Cette mission, la première à l'ouest de la rivière Rouge au Manitoba, a été un lieu phare du patrimoine religieux, francophone et métis, de l'Ouest.»
Le parc historique du fort William, à Thunder Bay, en Ontario, est une vaste reconstitution des activités entourant le commerce des fourrures dans les années 1810. L'endroit était le siège social de la Compagnie du Nord-Ouest. La presque totalité des employés étaient francophones. À cette époque, des centaines de Canadiens-Français et de Métis parcouraient des milliers de kilomètres en canot d'écorce pour atteindre les régions encore riches en fourrures. Le site actuel comprend une quarantaine de bâtiments. On y fait notamment la fabrication de canots d'écorce et la confection du pain des canotiers, que l'on appelait les voyageurs.
Entre 1906 et 1909, le capitaine Joseph-Elzéar Bernier a pris possession de plusieurs territoires nordiques au nom du Canada. Né à L'Islet, au Québec, il est, à 17 ans, le plus jeune capitaine de l'histoire canadienne. Dans l'Arctique, Bernier et son équipage composé de Canadiens-Français arrivent au nord de l'île de Baffin 15 ans avant la Compagnie de la Baie d'Hudson, et 20 ans avant les premiers missionnaires. Ils sont les premiers à tisser des liens étroits et respectueux avec les Inuits. Les marins leur apprennent à se servir d'armes à feu et de cartes géographiques. Les Inuits leur servent de guides et leur fournissent des vêtements adaptés à l'hiver arctique. Un grand nombre des premières photographies prises des Inuits au début du 20e siècle l'ont été par Bernier et ses hommes.
Tout au long du projet, Laurier Turgeon s'attendait à rencontrer des communautés en état de survivance. Il a plutôt été frappé de constater un grand dynamisme et une grande volonté de se développer. «À Terre-Neuve, en Alberta, au Yukon, poursuit-il, c'était assez étonnant de voir ça. Plusieurs membres de notre équipe se sont rendu compte que les francophones ont été partout sur le territoire et qu'ils ont marqué l'histoire. Nous avons aussi été frappés par la diversité du parler français. Il n'est pas uniforme. En Acadie, le français est différent, sur le plan de l'accent et du vocabulaire, comparativement au français parlé au Québec et dans l'Ouest.»
Selon lui, les gens étaient enthousiastes et fiers de montrer qu'ils existaient, qu'ils étaient créatifs sur le plan artistique et qu'ils croyaient en l'avenir de leur langue. «Ce projet de nature culturelle, dit-il, a suscité beaucoup d'espoir dans ces communautés pour la conservation du français et pour en faire un outil de développement économique et social.»
La contribution du Laboratoire d'enquête ethnologique et multimédia a reposé sur un groupe de professionnels, dont Philippe Dubois, Helgi Piccinin, Van Troi Tran et Élise Bégin.
Consultez le site Le Corridor

Photo : LEEM

Photo : Ministère du Tourisme du Nouveau-Brunswick

Photo : Bibliothèque et Archives Canada

Photo : LEEM

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