Certes, la priorité demeure d’enrayer la pandémie. Cependant, bon nombre d’entre nous se posent cette question: que deviendrons-nous après? Aurons-nous simplement envie de profiter pleinement de notre retour à la vie normale, à la vie en société? Ou aurons-nous tous eu une prise de conscience importante qui nous poussera à changer?Pour Christophe Roux-Dufort, professeur à la Faculté des sciences de l'administration, spécialisé en gestion de crise depuis 25 ans – et qui a d'ailleurs agi à titre d’expert dans plusieurs événements d’actualité comme la pandémie de la grippe H1N1 en 2009 –, l’importance d’une prise de conscience lorsque tout bascule s’avère de toute évidence un leitmotiv dans son discours.
Voilà d’ailleurs la principale raison pour laquelle il a décidé de créer le Guide de survie et de vie organisationnelle et individuelle au temps du coronavirus. Déclinée en 3 courts webinaires, l’activité, à laquelle se sont inscrits pour chaque séance plus de 1000 membres de la communauté universitaire, s’est révélée un véritable succès. Les capsules sont d’ailleurs maintenant en ligne et accessibles à tous.
«Le plus difficile, dans ce genre de situation qu’on vit, c’est de prendre un peu de recul sur ce qui est en train de se passer, affirme le professeur. Parce qu’on est happés par l’information, par les événements et qu’on n’a absolument plus de recul sur ce qui se passe. Voilà pourquoi j’ai eu l’idée de proposer à ma faculté ces webinaires, qui visent à préparer notre sortie de crise en tant qu’organisation, mais aussi en tant qu’individu. Car cette sortie de crise, elle doit se préparer dès maintenant.»
Comment établir nos priorités en temps de crise pour mieux la vivre? À ce sujet, le professeur Roux-Dufort propose d’en cibler trois, soit celles établies par notre gouvernement: la déclaration d’état d’urgence, le maintien des activités essentielles et le confinement. «Dans le premier webinaire, j’essaie de montrer comment ces mots d’ordre publics peuvent se décliner pour chacun de nous, individuellement. À titre d’exemple, l’état d’urgence: comment déclarer notre propre état d’urgence? Qu’est-ce que nous jugeons être une vraie urgence pour nous? Qu’est-ce qui est pour nous essentiel? Un indicateur réel est de simplement regarder tous ces gens autour de nous, qui ont maintenant plus de temps pour faire des choses importantes pour eux, mais qu’ils avaient mises de côté pour X raisons. Bref, et sans trop le savoir, nous sommes déjà dans des réflexions pour nous préparer à l’après-crise.»
Le deuxième webinaire invite à prendre du recul sur les événements. «Lorsqu’on se retrouve devant de vraies urgences, c’est aussi dire qu’il n’y a donc plus de fausses urgences. Celles qui nous mettent dans un faux rythme, dans une course en permanence, explique le professeur. Vivre de vraies urgences nous pousse directement à établir un nouveau rythme, de nouvelles valeurs, une nouvelle conscience.»
Puis, lorsque nous sortirons de cette crise, quelle trajectoire choisirons-nous, en tant qu’individu, mais aussi en tant que citoyen dans la société? Aurons-nous, ou non, une volonté de changer individuellement, mais aussi de vouloir faire changer les choses autour de nous? «Je crois que beaucoup de gens voient dans cette crise la nécessité de changer un certain nombre de choses dans nos organisations, dans notre société, dans nos modes de vie; il y a donc une volonté de changement. Le problème, c’est que beaucoup de gens ont cette idée de changement, mais n’ont pas nécessairement la volonté de changer.»
Dans le troisième et dernier webinaire, l’expert en gestion de crise propose quatre scénarios possibles pour préparer notre sortie de crise, allant d’une absence de volonté de changer (le scénario de l’inconscience: on sortira de la crise comme on y est entrés, soit sans apprentissage ou peu) à une véritable prise de conscience, à la fois pour soi-même et en tant qu’acteur de changement pour la société (le scénario de la crise-vérité: la crise devient un moteur qui pousse chacun à contribuer à ce changement de façon concrète pour lui et pour la société).
«Pour l’instant, il y a peu de gens qui perçoivent la crise comme une opportunité, affirme l’expert. Or, une crise, c’est à la fois une situation inédite et une promesse, car cela ouvre plein de possibilités pour la suite, des choses que nous n’aurions jamais jugées envisageables avant… Il faut donc regarder cette crise comme une nécessité d’un dépassement, de dépasser ces limites qu’on avait. À mon avis, tant les individus que les gestionnaires et les dirigeants devraient déjà avoir cette prise de conscience pour mieux préparer, ensemble, notre suite.»
Voir ou revoir les trois webinaires:
Premier anticorps: quatre priorités pour bien vivre la crise
Deuxième anticorps: préserver un recul salutaire sur les événements
Troisième anticorps: préparer maintenant la sortie de crise