
La cuisine du terroir syrien est très parfumée et puise ses influences dans le bassin méditerranéen, notamment en Grèce et en Turquie.
— Hélène Marceau / INAF
C'est l'idée qu'a eue Nour Sayem en janvier 2016, dans la foulée de l'arrivée à Québec de nombreux réfugiés syriens. Elle-même d'origine syrienne, cette conseillère stratégique en alimentation et diplômée du doctorat en sciences et technologie des aliments s'est rapidement tournée vers l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) de l'Université Laval pour l'appuyer dans son projet.
Son appel a tout de suite a été entendu. «Le concept nous a emballés, raconte la directrice exécutive de l'INAF, Renée Michaud. D'une part, parce que la formation, le transfert de connaissances et l'innovation font partie de notre mission, tout comme l'idée de créer des liens entre le campus et la communauté. D'autre part, parce nous sommes bien conscients des défis liés à l'intégration en raison des nombreux étudiants étrangers qui fréquentent l'INAF. En outre, comme l'alimentation était à la base de cette initiative, nous ne pouvions que nous sentir interpellés.»
Ainsi, à partir de janvier 2017, l'INAF a accueilli dans ses locaux et ses installations de recherche la première cohorte de l'entreprise d'économie sociale «Les aliments ensemble». Six femmes syriennes ont été prises en charge par des membres professionnels et des étudiants bénévoles. Grâce à leur soutien et à leur expertise, elles ont pu participer activement au choix, au développement et à la standardisation de recettes typiques de leur pays dans le but de les commercialiser. Fixer les prix adéquats, sélectionner des emballages et mener des tests de goût auprès des consommateurs étaient aussi au programme de leur apprentissage.
«L'INAF nous a offert un beau nid», constate avec reconnaissance Nour Sayem, qui agissait aussi comme interprète lors des ateliers tenus tous les dimanches. En plus des nombreuses connaissances acquises, les participantes ont reçu, non sans fierté, une attestation en hygiène et salubrité alimentaires à l'issue de leur formation. En outre, les classes de cuisine collective ont aussi servi de lieu de francisation. «Pour ces femmes qui ne savaient pas lire, c'était tout un défi», affirme avec admiration la créatrice du projet.
L'INAF, qui s'impliquait pour la première fois dans le lancement d'une entreprise d'économie sociale, considère ces accomplissements comme la marque d'un grand succès. «Je retiens le ravissement des femmes et leur plaisir de préparer cette cuisine délicieuse, de donner et de recevoir», se réjouit Renée Michaud. Derrière leurs sourires, on trouve aussi des résultats tangibles, ajoute la directrice. «L'une des participantes qui, à son arrivée à Québec en janvier 2016, comptait partir pour Toronto nous a confié: "Je suis à Québec pour y rester". Ce pouvoir de rétention témoigne d'une réussite très concrète.» Nour Sayem abonde dans le même sens. «Ces femmes sont aussi mamans de 4 à 5 enfants chacune. Ces enfants, dont nous aurons outillé les familles, représentent plus de 25 citoyens qui viendront enrichir la communauté des gens de Québec. Pour moi, cela est très précieux.»
Maintenant que la formation de la première cohorte est achevée, l'entreprise «Les aliments ensemble» se penchera sur la recherche de sources de financement et sur la vente de ses produits, qu'elle souhaite distribuer dans des commerces et des marchés de la région.
Puis, dans quelques semaines, l'entreprise quittera les locaux de l'INAF pour voler de ses propres ailes et se poser dans un nouveau lieu de production. Nour Sayem évoque même la possibilité d'avoir pignon sur rue grâce à une petite boutique. «Ce sont les femmes qui décideront, dit-elle. L'aventure leur a insufflé une belle confiance. Elles sont désormais partie intégrante du futur de l'entreprise.»