Bien installé dans le confort de votre salon, vous surfez en toute liberté sur la toile à la recherche de vacances dans le sable. De magnifiques photos de plages immaculées apparaissent au bout de votre curseur, qui – ô surprise – convergent toutes vers une poignée de destinations dans le monde. Félicitations, vous venez d’expérimenter une des stratégies marketing des prescripteurs! Des sites comparateurs de prix et des spécialistes numériques de la réservation, comme Tripadvisor ou Booking.com, ou encore des voyageurs professionnels, mettent ainsi en valeur régulièrement certaines régions touristiques. Le but : mousser les ventes d’hôtels ou de compagnies aériennes pour ces endroits particuliers, autrement dit mener des campagnes promotionnelles qui ne portent pas leur nom.
Voilà l’un des rouages du voyage à l’ère numérique mis au jour par Laurent Bourdeau, professeur à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, lors de sa conférence du 28 novembre. Organisée dans le cadre des Rendez-vous numériques de la Bibliothèque et de l’Institut technologies de l’information et sociétés, cette rencontre a permis d’en apprendre davantage à propos de l’influence des nouvelles technologies sur l’organisation du déplacement des touristes. «Plusieurs sites gratuits tentent d’établir des modèles prédictifs du comportement des voyageurs, explique ce spécialiste de l’industrie du tourisme. Ils vendent ensuite ces informations aux compagnies aériennes ou à d’autres.»
Tout au long de sa navigation sur Internet avant, pendant et après l’achat, le consommateur laisse en effet des traces, qu’il s’agisse de son code postal ou de ses habitudes de voyage. Des informations bien utiles à une organisation comme la Société des établissements de plein air du Québec. Comme l’explique le conférencier, les demandes de réservation pour la station Duchesnay en provenance de Montréal affluent notamment quand le mercure descend en dessous de moins 15 degrés.
Chiffres à l’appui, le professeur a démontré lors de sa conférence que les coûts des voyages aériens ont considérablement baissé depuis les années 1980. Un billet d’avion Montréal-Paris, acheté à cette époque, valait en effet à peu près la même chose qu’aujourd’hui en dollars constants. Par contre, le nombre de tarifs différents offerts dans un seul appareil a littéralement explosé, tout comme le nombre distinct de prix offerts pour une chambre dans un même hôtel à une date identique. Les responsables: les grossistes et prescripteurs qui revendent avec commissions des sièges ou des nuitées aux internautes. «Mon conseil pour payer moins cher, lance le conférencier au public, appelez directement l’hôtelier, qui a la marge de manœuvre pour vous offrir un prix intéressant, et achetez sur le site du transporteur.»
Laurent Bourdeau démontre que même les ententes privilégiées que signent certaines organisations, comme l’Université Laval, et des compagnies aériennes ou groupes hôteliers ne donnent pas les résultats escomptés. En théorie, les clients devraient bénéficier d’un meilleur tarif en réservant leur billet d’avion, par exemple. En pratique, le prix revient exactement au même, entente ou pas. «Finalement, la technologie n’a ni simplifié la vie des consommateurs ni permis de faire de réelles économies», souligne le titulaire de la Chaire de recherche en partenariat sur l’attractivité et l’innovation en tourisme. En résumé, les voyageurs ont donc intérêt à mener des recherches actives, sans se laisser influencer par de prétendus rabais alléchants.