«Moi, je me préoccupe davantage de savoir s’il y a une vie avant la mort plutôt qu’après», dit Cyrille Barrette. «Plus on aborde la question de la mort de front, plus c’est apaisant», souligne pour sa part Louis-André Richard. «C’est une question qui demeure trop importante pour qu’on puisse y répondre», affirme de son côté Jean-François Vézina. C’était le 9 juin, lors de la Journée de rencontre annuelle de l’Association des étudiantes et des étudiants de l’Université du 3e âge du Québec (AÉUTAQ) qui se tenait au pavillon Alphonse-Desjardins. Thème de la conférence: L’âme, un défi pour l’esprit. Pour Cyrille Barrette, la science, fondée sur le matérialisme, ne peut qu’être muette sur la question de l’âme, l’âme en tant que telle étant immatérielle. Cela signifie-t-il pour autant que l’âme n’existe pas? «L’organisme vivant est animé de l’intérieur et c’est du cerveau qu’émerge notre âme, même si l’âme n’est évidemment pas contenue dans le cerveau», dit-il. Par exemple, pour expliquer l’odeur différente des fleurs la nuit comparativement à celle du jour, un scientifique parlera des diverses propriétés des molécules odorantes, alors qu’un Rimbaud ou un Baudelaire fera de ce constat un vibrant poème. Pourtant, la matière première utilisée, les mots, est la même dans les deux cas. Que ce soit en musique ou en peinture, les notes qui se muent en un fabuleux concerto ou les taches colorées organisées en un magnifique tableau subissent le même traitement. Mozart et Monet, saisis d’inspiration, ont donné un souffle, une âme en quelque sorte à la matière.
Une conversation interrompue
«Dans un monde où on a tant besoin de preuves tangibles pour croire en quelque chose, il est difficile de parler de l’âme puisqu’elle est invisible, constate Louis-René Richard, chargé de cours à la Faculté de philosophie. Cette idée que l’âme est indissociable de la vie remonte aux philosophes grecs. “Dois-je t’expliquer que c’est l’homme qui est l’âme?”, dit ainsi un jour Socrate à son disciple et ami Alcibiade. En son temps, Socrate recommandait d’ailleurs aux personnes de consacrer le plus de temps possible à la vie de l’esprit.» «Tous les jours, dans ma pratique, je rencontre des gens qui sont confrontés à leur âme, révèle le psychologue et auteur Jean-François Vézina. Ils souffrent d’angoisse et se sentent à l’étroit dans leur vie ramenée à un espace réduit, comme si le souffle de leur âme était perdu. Le travail du psychologue consiste à redonner à la personne ses mots afin qu’elle puisse reprendre cette conversation interrompue avec elle-même. Jung parlait du processus d’individuation par lequel l’individu arrive à exprimer le souffle qui l’anime.»