Comme bien d’autres enseignants au primaire ces temps-ci, Émilie Brisebois a commencé sa carrière sur les chapeaux de roue. Lorsque l’Université a fermé ses portes en raison de la pandémie, elle est retournée chez elle, à Saint-Jérôme dans les Laurentides, pour finir ses cours en ligne. Peu de temps après avoir envoyé son curriculum vitae à une commission scolaire, elle était convoquée à une entrevue d’embauche. Le lendemain matin, on lui annonçait la bonne nouvelle. «J’avais une offre de remplacement pour une classe de 3e et 4e année. J’étais un peu surprise. À ce moment-là, il manquait des notes à mon relevé. Je n’étais pas encore officiellement diplômée que j’avais déjà un emploi», dit-elle.
La jeune femme a eu une semaine pour se familiariser avec son nouvel environnement de travail et préparer le retour en classe des élèves. Le 11 mai, l’école ouvrait ses portes après deux mois de confinement. «La semaine de préparation pour les enseignants a été très aidante. Il fallait repenser la pédagogie en entier ainsi que l’organisation et l’aménagement de la classe. Comme la situation était nouvelle autant pour les autres enseignants que pour moi, c’était rassurant.»
Pour les élèves, l’école qu’ils ont retrouvée n’avait rien à voir avec celle qu’ils avaient quittée à la mi-mars. Les pupitres avaient été éloignées les uns des autres pour permettre la distanciation sociale. Du ruban adhésif avait été posé au sol pour rappeler la règle des deux mètres. À cela s’ajoutent plusieurs autres mesures, comme le lavage des mains obligatoire et de nouveaux horaires de récréation. «Tout le personnel de l’école est impressionné par la capacité d’adaptation des élèves et leur respect des consignes, indique Émilie Brisebois. Les enfants avaient hâte de retrouver une certaine routine. Pour ma part, j’essaie de rendre leur expérience la plus positive possible.»
Un besoin criant d’enseignants
Christine Hamel, la directrice du programme de baccalauréat en éducation au préscolaire et en enseignement au primaire, l’admet: c’est un début de carrière hors du commun pour ses diplômés. «Depuis deux ans, en raison de la pénurie d’enseignants, nos diplômés sont embauchés très rapidement, mais rarement avec un contrat à temps plein. Avec la pandémie, il faut trouver du personnel pour enseigner à tous ces petits groupes d’élèves alors que plusieurs ne peuvent retourner au travail à cause de leur état de santé. De nos 158 finissantes et finissant, environ 50% ont eu leur classe le 11 mai.»
Selon elle, la situation de la pandémie crée tout de même des conditions favorables pour l’apprentissage des enfants. En ayant de plus petits groupes, les professeurs peuvent passer plus de temps avec leurs élèves et personnaliser leur enseignement.
Alors que plusieurs parents préfèrent garder leurs enfants à la maison, Christine Hamel explique que les enseignants doivent avoir de solides compétences en technologies numériques. «Il est important de garder un lien entre l’élève et l’école. Durant le confinement, des enseignants ont été très créatifs, que ce soit avec des vidéos YouTube ou des Facebook Live. J’espère que ce type d’activités vont rester après la crise pour des situations comme une tempête ou lorsque des élèves sont malades.»
Ces dernières semaines, la Faculté des sciences de l’éducation a organisé des rencontres virtuelles entre ses étudiants et des enseignants du primaire qui ont lancé des initiatives intéressantes durant le confinement. Ces professionnels étaient disponibles sur la plateforme Zoom pour partager des conseils aux étudiants et répondre à leurs questions. L’initiative a réuni environ 400 participants. «Les conférences, disponibles en ligne, contiennent plusieurs idées de pratiques innovatrices pour assurer la continuité pédagogique des élèves», explique Christine Hamel.
Alors que l’issue de la crise est incertain, elle prévoit que les besoins en enseignants ne diminueront pas de sitôt. «J’ai l’impression que mes étudiantes et étudiants en 3e et 4e année du baccalauréat seront sollicités très rapidement dès l’an prochain. Nous, on est prêts. Nous offrons une formation rigoureuse qui permet l’accompagnement à distance. Si le milieu a besoin de nous, on est prêt à le soutenir.»