
Quel est le risque de voir le partenaire américain se retirer brusquement d’un accord international si les négociations n’aboutissent pas?
C’est vrai que les menaces du président Trump concernant un possible retrait de l’ALÉNA donnent un ton assez dramatique à ces négociations. C’est aussi vrai que les Américains ont tout intérêt à terminer ces discussions au plus vite, car ils souhaitent réformer cet accord. Cependant, ils ne sont pas si bien préparés que ça. Le président, toujours très prompt à nommer et à démettre, n’a pas réussi à choisir suffisamment de spécialistes. De nombreux postes équivalents à ceux de sous-ministres restent vacants, ou alors ils sont encore occupés par du personnel de l’administration Obama. De plus, plusieurs de ces spécialistes ignorent encore le contenu exact de leur mandat de négociation. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les États-Unis disposent d’une fenêtre législative très serrée pour renouveler l’ALÉNA sans l’accord du Congrès. Le «fast track», voté à l’été 2015, sous la précédente administration, arrive à échéance le 1er juillet 2018. Après cette date, les élus du Congrès américain, qui votent généralement selon leurs propres intérêts, pourront modifier les différentes dispositions de l’accord négocié. Or, l’histoire américaine récente prouve qu’il est quasiment impossible de faire adopter un accord commercial en dehors de cette période de «fast track».
Le Mexique a-t-il intérêt à ce que les partenaires concluent rapidement un nouvel accord commercial?
Dans ces négociations, les revendications formulées par les États-Unis touchent davantage le Mexique, car leur déficit commercial avec ce pays s’élève à environ 60 milliards de dollars. Ils veulent le ramener à l’équilibre et aussi rapatrier des emplois. De son côté, le président mexicain, Peña Nieto, tient à faire voir à son électorat qu’il entretient de bonnes relations économiques avec son partenaire. Les élections présidentielles ayant lieu l’été prochain, il a intérêt à mettre en avant les résultats concrets obtenus à la table de négociation. Par ailleurs, le président mexicain veut montrer qu’il ne se laisse pas impressionner par les déclarations de Donald Trump menaçant de mettre fin à l’accord. Lors de récentes déclarations, il a rappelé que le Mexique pouvait aussi se retirer de l’ALÉNA puisqu’il dispose déjà de 46 accords de libre-échange avec des partenaires internationaux. Toutefois, Peña Nieto sait bien que 75% des exportations mexicaines partent vers les États-Unis. En guise de compromis, les Mexicains pourraient peut-être consentir à rehausser leurs normes du travail et à augmenter les salaires. Cela réduirait l’écart entre les deux pays et limiterait la délocalisation. Il est d’ailleurs intéressant de savoir qu’un grand nombre d’entreprises mexicaines appartiennent, en fait, à des propriétaires américains.
Sur quels points portent les discussions actuelles?
Pour l’instant, chacun présente surtout ses priorités à la table de négociation. Dans ce genre de discussions, l’objectif est de rapprocher le plus possible les propositions écrites des différentes parties. Les équipes relèvent les sections de document qui font consensus, puis les négociateurs mettent entre crochets les portions de texte sur lesquelles ils ne s’entendent pas. À ce stade, les thèmes de négociation restent assez larges afin de bien comprendre les positions de chacun. Jusqu’à présent, les sujets discutés reflètent les priorités des partenaires. Par exemple, le Canada cherche surtout à protéger ses acquis, car, globalement, l’ALÉNA le satisfait. Le gouvernement canadien espère quand même faire quelques avancées en ce qui concerne l’accès à des marchés publics. Il serait ainsi plus facile pour des entreprises canadiennes d’obtenir des contrats de construction ou de maintenance informatique auprès des villes et des États américains. Le Canada aimerait aussi qu’il soit plus facile pour les gens d’affaires de franchir la frontière, comme le prévoyait l’accord original de l’ALÉNA.