Le concept auquel sont arrivés David St-Onge et Clément Gosselin, du Département de génie mécanique et du Laboratoire de robotique, et leurs collaborateurs de l'Université McGill, Inna Sharf et Luc Sagnières, semble tout droit sorti d'une œuvre de science-fiction. Il s'agit d'une structure ayant des airs de voile parabolique qui, une fois déployée, couvre l'équivalent de 45 terrains de football. «Selon nos calculs, il y aurait 7,5 X 1012 débris de moins de 5 cm en orbite autour de la Terre. Il faut donc un dispositif qui a une énorme superficie pour en ramasser une fraction significative. Le défi est de concevoir un système de grande dimension qui peut être transporté à bord d'un lanceur. Dans une fusée Ariane 5, par exemple, l'espace de chargement correspond à un cylindre de 10 m de hauteur par 4,5 m de diamètre», précise David St-Onge.
Au moment du décollage, le système pensé par les chercheurs se présente comme un ensemble de 80 modules triangulaires juxtaposés. Une fois dans l'espace, ces modules s'ouvrent de façon séquentielle pour former une coupole. Par la suite, un mécanisme articulé déploie chacun des modules jusqu'à ce que l'ensemble atteigne sa taille finale de 270 000 m2.
Le mécanisme articulé développé par David St-Onge et Clément Gosselin permet à chacun des 80 modules triangulaires de la coupole d'atteindre son plein déploiement. Une fois dans l'espace, la coupole couvre une aire 25 fois plus élevée que celle qu'elle occupe lors de son transport à bord d'une fusée.
Animation réalisée par Jean-Philippe Toutant
La coupole est reliée à une unité centrale qui gère les télécommunications, l'énergie et le positionnement. Une toile faite d'un matériau composite similaire à celui des gilets pare-balles est tendue sur chaque module triangulaire. Elle capte les poussières et ralentit les débris de plus grande taille de façon à précipiter leur chute vers l'atmosphère.
À 819 km d'altitude, ce système se déplacerait à une vitesse de 7,44 km/s et il mettrait 1,7 heure pour faire le tour de la Terre. La densité des débris de moins de 5 cm y est d'environ 80 par km3. Selon les calculs des chercheurs, en une année d'opération, le dispositif capterait 1,0 X 109 débris, soit 1,2% du total à cette orbite, dont 112 objets de taille critique. La durée d'une mission de nettoyage n'est pas arrêtée, mais le moment venu, on ramènerait le dispositif vers la Terre; la coupole et les débris accumulés se consumeraient entièrement lors de la rentrée dans l'atmosphère.
David St-Onge juge que l'on sous-estime les dégâts que peuvent causer les fragments et les poussières. «Les gros débris peuvent être détectés à l'aide d'instruments d'observation et il est possible d'éviter les collisions en modifiant la trajectoire des satellites. Cette solution n'est pas envisageable avec les petits débris. Malgré leur taille, ils peuvent causer d'importants dommages à un satellite parce que leur vitesse d'impact peut atteindre 10 km/s à 20 km/s. De tels impacts peuvent rendre un satellite non fonctionnel et en faire une nouvelle source de débris spatiaux.»
Sur le plan financier, le chercheur postdoctoral reconnaît que le coût du projet semble prohibitif pour le moment, mais les choses pourraient changer rapidement. «En 2009, il y avait 10,3 milliards de petits et de moyens débris qui constituaient une menace pour les satellites en orbite à 819 km de la Terre. En 2020, il y en aura près de 85 milliards. Le nombre de débris est en hausse et le coût de certains satellites augmente. Que ce soit avec notre projet ou avec un autre, il faudra s'attaquer à ce problème, c'est incontournable. Notre article constitue une première réflexion en ce sens.»