Pendant l’été, les écosystèmes terrestres nordiques captent, dans l’ensemble, plus de CO2 qu'ils n'en émettent. Lorsque la saison froide arrive, l'inverse survient: les racines et les organismes microscopiques du sol produisent plus de CO2 que n’en absorbent ces écosystèmes. Au cours des deux dernières décennies, la température de ces milieux a augmenté de 1,1 degré Celsius au printemps et de 0,8 degré Celsius à l'automne. L'allongement de la période propice à l'activité physiologique des plantes laissait donc à penser que davantage de carbone allait être séquestré dans la biomasse végétale et que, si le réchauffement des automnes se poursuivait, on pouvait même espérer que davantage de CO2 atmosphérique serait immobilisé dans la biomasse des forêts et des tourbières.
Les chercheurs ont analysé les données recueillies au cours des 20 dernières années dans des écosystèmes nordiques d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. Contrairement aux prévisions, leurs résultats indiquent que le réchauffement automnal ne favorise pas la séquestration du carbone atmosphérique. La hausse de la température stimule la photosynthèse — et conséquemment le stockage de carbone —, mais elle favorise encore plus l'émission de CO2 par les microorganismes du sol et par les racines. Ce bilan en faveur de l’émission de dioxyde de carbone s’accentue lors des automnes plus chauds, révèlent les données publiées dans Nature.
Par ailleurs, les chercheurs ont observé que la hausse des températures printanières produit l’effet contraire: les écosystèmes terrestres captent plus de carbone qu'ils n'en émettent. Toutefois, 90 % de cette augmentation est effacée à l'automne. Les chercheurs attribuent ces différences saisonnières à la température du sol. Au printemps, l’activité métabolique des racines et des microorganismes est ralentie parce que le sol met du temps à se réchauffer, alors qu’à l’automne, elle est prolongée parce qu’il conserve plus longtemps sa chaleur. Au cours des deux dernières décennies, le réchauffement automnal s’est manifesté de façon plus prononcée en Amérique du Nord qu’en Europe et en Asie, et par conséquent, les écosystèmes nordiques américains auraient absorbé moins de CO2 en automne que les deux autres régions du monde.
Les modèles climatiques prévoyaient que les écosystèmes terrestres de l'hémisphère Nord allaient atteindre leur apogée comme puits de carbone vers 2050. «Dans les années à venir, si les automnes se réchauffent plus rapidement que les printemps, l'efficacité de ce puits de carbone déclinera plus rapidement et les concentrations atmosphériques de CO2 augmenteront plus tôt que prévu, avance Hank Margolis. Cette éventualité implique que des actions concrètes pour réduire les émissions de carbone provenant des énergies fossiles sont encore plus urgentes qu’on ne le croyait.»