
En raison de ses faibles effectifs, de sa répartition fragmentée ainsi que des pressions exercées sur ses habitats de nidification et sur ses aires d'hivernage dans les Grandes Antilles, la grive de Bicknell a été désignée «espèce vulnérable» en 2009.
— Phillip Kenny
La grive de Bicknell est une espèce méconnue qui fréquente des habitats souvent difficiles d'accès. Décrit pour la première fois en 1881, cet oiseau a longtemps été considéré comme une sous-espèce de la grive à joues grises et ce n'est qu'en 1995 qu'on lui a conféré le statut d'espèce à part entière. Tous les sites de nidification connus de cet oiseau sont situés dans le nord-est de l'Amérique du Nord. On les retrouve dans quatre États américains, le Vermont, New York, le New Hampshire et le Maine, et dans trois provinces canadiennes, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.
La population totale de l'espèce serait de l'ordre de 50 000 individus, dont environ 5 000 dans les Maritimes et autant au Québec. En raison de ses faibles effectifs, de sa répartition fragmentée et des pressions exercées sur ses habitats de nidification ainsi que sur ses aires d'hivernage dans les Grandes Antilles, l'espèce a été désignée «vulnérable» par le Québec en 2009. «Il semble exister deux écotypes de grive de Bicknell», souligne le professeur André Desrochers, du Département des sciences du bois et de la forêt. Le premier est associé aux vieilles forêts inaccessibles situées au sommet des montagnes, comme au mont Mégantic, au mont Gosford et aux monts Valin. Le second se retrouve dans des habitats créés par des coupes forestières pratiquées 15 à 25 années plus tôt, comme à la Forêt Montmorency, où le professeur Desrochers étudie l'espèce. «Lorsque ces forêts vieillissent et se referment, nous croyons que les grives se déplacent vers des forêts plus jeunes», avance le chercheur.
Pour tenir compte de cette particularité, les trois partenaires de l'entente misent sur un nouveau concept dans le domaine de la protection des milieux naturels: les aires flottantes de conservation. Le défi sera de conserver suffisamment de jeunes forêts pour maintenir cet oiseau dans une forêt aménagée et utilisée. «L'aire désignée est appelée à se déplacer dans le temps et dans l'espace. Donc, au fur et à mesure que la forêt vieillira, le Séminaire de Québec devra toujours s'assurer de maintenir 40 hectares d'habitat propice à la grive de Bicknell pour permettre sa nidification et perpétuer sa présence dans la Seigneurie de Beaupré», explique le vice-recteur exécutif et au développement, Éric Bauce.
Lors de la signature de l'entente, le président-directeur général de la Fondation de la faune du Québec, André Martin, a souligné l'originalité de cette approche. «La création de cette aire protégée de 40 hectares, à l'est de la Forêt Montmorency près du parc d'éoliennes à Saint-Tite-des-Caps, constituait un défi, car aucun outil de conservation actuel ne permettait à la Fondation de valoriser la conservation de la grive de Bicknell. La conservation du territoire et la protection de la grive de Bicknell seront assurées grâce au leadership de l'Université Laval en développement durable ainsi qu'à l'expertise en gestion des milieux forestiers développée à la Forêt Montmorency.»

Les représentants des trois partenaires de l'entente créant un site de conservation pour la grive de Bicknell: Éric Bauce, vice-recteur exécutif et au développement, le chanoine Jacques Roberge, Supérieur général du Séminaire de Québec, André Martin, président-directeur général de la Fondation de la faune du Québec, et le recteur Denis Brière.
Photo: Marc Robitaille