«Même si une personne sait consciemment qu'elle ne peut pas avoir mal à un membre manquant ou paralysé, le cerveau inconscient, lui, n'a pas nécessairement saisi la situation. Mais comme il se rend compte que quelque chose cloche, il produit des signaux de douleur», explique Catherine Mercier, professeure au Département de réadaptation, qui assurait la première partie de la conférence «Douleur et empathie», donnée au Musée de la civilisation le mercredi 17 janvier.
Pour traiter ces douleurs, la recherche teste plusieurs approches thérapeutiques. Catherine Mercier s'intéresse notamment à la réalité virtuelle et à la stimulation cérébrale pour reprogrammer un cerveau qui souffre. Par exemple, on demande à un paraplégique de s'imaginer en train de marcher grâce à un avatar virtuel. Le but? Tromper le cerveau en lui donnant une fausse rétroaction visuelle et sensorielle lui faisant croire que les jambes de la personne fonctionnent toujours. Présumant l'équilibre du corps rétabli, la matière grise n'émettra plus de signal d'alarme sous forme de douleur. Dans certains cas, on peut aussi activer les neurones et stimuler des zones cérébrales précises en générant de façon indolore un champ magnétique ou un faible courant électrique de part et d'autre de la tête.
«Ces approches sont également testées pour la douleur chronique», ajoute la chercheuse. En effet, le cerveau s'imprègne d'un mal persistant et l'inscrit dans ses circuits neuronaux. C'est ainsi que plusieurs personnes continuent à souffrir même si on corrige la cause de leur douleur. Il faut alors «soigner» le cerveau.
Philip Jackson, professeur à l'École de psychologie, utilise également ces thérapies pour apprendre aux gens à mieux gérer leur empathie. «Il y a deux côtés à l'empathie, révèle celui qui a mené la deuxième partie de la conférence. Elle est bonne pour comprendre la douleur des autres, mais elle se retourne contre nous quand nous devenons trop affectés par la souffrance d'autrui, au point de nuire à notre propre santé.» Il serait possible, d'après le chercheur, d'amener le cerveau à trouver le bon dosage d'empathie, qu'on soit aidant naturel ou professionnel de la santé.
Les récents travaux en neurosciences sont clairs: tout le monde réagit différemment à la douleur des autres, et le cerveau en est le chef d'orchestre. Par exemple, quand une personne regarde une photo d'une main coincée dans une porte, on peut voir par imagerie que certains circuits neuronaux impliqués dans la douleur s'activent. Par contre, chez certains sujets, la réponse cérébrale est moins grande. Ainsi, une étude sur des professionnels de la santé a montré que le cerveau peut se désensibiliser quand il doit constamment gérer la souffrance. «C'est une stratégie cérébrale pour nous protéger des effets néfastes de continuellement ressentir la douleur des autres, explique le professeur Jackson. C'est cette stratégie que nous voulons exploiter avec la réalité virtuelle et la stimulation cérébrale pour protéger les gens qui ont une trop grande empathie ou encore sensibiliser ceux qui n'en ont pas assez.»
La conférence «Douleur et empathie» – qui a fait salle comble – était la 4e d'une série de 6 rencontres scientifiques sur le cerveau, données par des chercheurs de l'Université Laval, en lien avec l'exposition Cerveau à la folie. Elle faisait suite aux présentations d'Yves De Koninck sur les mystères du cerveau, de Pierre Marquet sur la neuropsychiatrie chez les enfants et de Carol Hudon et Simon Duchesne sur le vieillissement, l'alzheimer et le trouble cognitif léger.
Pour en apprendre plus sur les dédales de notre cerveau, inscrivez-vous vite aux deux dernières conférences. Les places s'envolent comme des petits pains chauds! Sinon, rendez-vous sur la page Soundcloud du Musée pour accéder au contenu audio de certaines présentations.
Conférences à venir:
- «La neuro-imagerie et les interfaces cerveau-ordinateur» avec Christian Ethier, professeur au Département de psychiatrie et de neurosciences
Mercredi 28 février, à 14 h - «Les neurosciences du langage» avec Pascale Tremblay, professeure au Département de réadaptation
Mercredi 14 mars, à 14 h