Contrairement à ce que les études antérieures et une méta-analyse laissaient entrevoir, le probiotique le plus étudié, Lactobacillus rhamnosus GG, serait inefficace pour prévenir les pneumonies acquises sous respirateur chez des patients gravement malades. Une équipe multicentrique en fait la démonstration dans une étude qui paraît aujourd'hui dans le Journal of the American Medical Association (JAMA).
Cette équipe, dont font partie les professeurs François Lauzier, François Lellouche et Patrick Archambault de la Faculté de médecine de l'Université Laval, a étudié l'effet de l'administration de ce probiotique chez 2650 personnes admises dans des unités de soins intensifs réparties dans trois pays. Plus de 20% des sujets ont été recrutés dans des centres hospitaliers du Québec.
«En dépit de toutes les mesures prises pour prévenir les pneumonies acquises sous respirateur, elles demeurent très fréquentes dans les unités de soins intensifs, souligne le professeur Lauzier, également chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. L'installation d'un tube nuit à la déglutition, à la toux et aux mouvements des cils qui tapissent les voies respiratoires, trois mécanismes qui préviennent normalement l'accumulation de bactéries dans la trachée.»
Pendant leur séjour aux soins intensifs, la moitié des sujets a reçu deux doses quotidiennes de Lactobacillus rhamnosus GG, alors que l'autre moitié recevait un placebo. «Les études antérieures avaient considéré ce probiotique comme le plus prometteur pour prévenir les pneumonies acquises sous respirateur. Nous voulions miser sur le meilleur cheval dès le départ», commente le professeur Lauzier.
Le suivi de la cohorte a montré que le pourcentage de patients qui ont contracté une pneumonie acquise sous respirateur était similaire dans le groupe probiotique et dans le groupe placebo, soit environ 21%. Aucune différence n'a été observée entre les deux groupes au chapitre des autres infections contractées aux soins intensifs, de la durée du séjour aux soins intensifs et à l'hôpital et de la mortalité. «Nous n'avons observé aucun effet bénéfique de l'administration de ce probiotique chez ces patients», résume François Lauzier.
Des études antérieures avaient pourtant rapporté que les probiotiques, notamment Lactobacillus rhamnosus GG, réduisaient jusqu'à 30% les risques de pneumonie acquise sous respirateur. «Ces études auraient pu servir à soutenir une recommandation portant sur l'administration de ce probiotique à tous les patients devant être placés sous respirateur. Notre recherche rappelle l'importance de réaliser des études multicentriques rigoureuses sur un grand nombre de sujets. Même si la mécanique qui sous-tend le recours aux probiotiques plaît à l'esprit, il faut s'assurer de bien tester l'efficacité d'un probiotique avant d'en recommander l'usage», conclut le professeur Lauzier.