
Des enfants inuit s'amusent avec un petit garçon non inuit sur son vélo dans le village d'Inukjuak.
— Caroline Hervé
«En l'espace de 60 ans, explique-t-elle, la sédentarisation a amené des changements très rapides dans le Grand Nord. Les populations ont vu arriver du Sud des administrateurs qui ont pris en charge, avec leurs valeurs, des aspects importants de la vie collective, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé ou de l'administration publique. Or, ces transformations ont engendré chez les Inuit une certaine dépossession. Leur capacité à prendre des décisions par eux-mêmes a été affectée, de même que leur confiance en leurs aptitudes à se gouverner, leur confiance en leur société et leur confiance en leurs propres savoirs.»
La réconciliation entre la société canadienne et les peuples autochtones est aujourd'hui une priorité dans les plans d'action gouvernementaux et institutionnels. Par la nouvelle chaire, l'Université Laval entend jouer un rôle central dans ce processus avec les Inuit. «Une partie des travaux sera consacrée aux Inuit du Nunavik, dans le Grand Nord québécois, indique Caroline Hervé. Comme il est important de comparer, nous serons ouverts à tous les Inuit vivant dans l'Arctique, en Alaska, au Canada et au Groenland. Il s'agit d'un même peuple qui s'inscrit dans un continuum linguistique et culturel.»
La Chaire sera financée pour une période de cinq ans par Sentinelle Nord. Cette ambitieuse stratégie de recherche transdisciplinaire de l'Université Laval vise à comprendre l'environnement nordique et ses répercussions sur l'être humain et sa santé. Dans cette vaste entreprise, la Chaire relèvera les malentendus culturels qui ternissent les relations entre les Inuit et les non-Inuit qui œuvrent dans le Grand Nord. Elle visera aussi à renforcer les capacités d'agir des Inuit afin qu'ils jouent un rôle majeur dans les transformations à venir dans les milieux nordiques, qu'elles soient physiques, politiques ou sociales. «En ce sens, souligne Caroline Hervé, il sera très important que les Inuit soient associés de près à nos activités de recherche, dans une position d'acteurs et non plus comme sujets de recherche. Les activités devront être choisies avec eux, discutées et organisées de façon commune. Nous voulons les aider à reprendre confiance en qui ils sont et en leurs propres savoirs.»
En plus de produire de nouvelles connaissances sur l'histoire et les dynamiques sociales des sociétés inuit, notamment sur la gouvernance, la justice et la santé, la Chaire développera des formations et des outils pédagogiques destinés aux non-Inuit, qu'ils s'agisse de chercheurs universitaires, de professionnels ou de fonctionnaires. Ces formations et ces outils permettront de mieux intervenir auprès des Inuit, ce qui favorisera le développement de relations plus harmonieuses.
«L'Université Laval est bien outillée pour faire le pont entre les Inuit et les organisations non inuit présentes dans le Grand Nord, soutient Caroline Hervé. Nous pourrions aussi concevoir des formations à distance sur la culture et l'histoire des Inuit pour les policiers qui arrivent en poste relativement démunis à ce chapitre.»
La Chaire permettra d'établir de nombreuses collaborations de recherche avec des institutions de recherche spécialisées sur le Nord, que ce soit à l'Université Laval, au Canada ou à l'étranger.
Caroline Hervé mène depuis une dizaine d'années des recherches sur les dynamiques politiques des sociétés inuit. Après l'obtention de son doctorat, elle a effectué un stage postdoctoral à l'Université d'Alaska, à Fairbanks. En 2015, elle a publié, aux Presses de l'Université Laval, le livre intitulé Le pouvoir vient d'ailleurs, sous-titré Leadership et coopération chez les Inuit du Nunavik.

La cueillette des fruits sauvages est pratiquée par les femmes et les enfants. Cette activité est toujours un moment pour resserrer les liens sociaux.
Photo: Caroline Hervé

Lors du lancement de la Chaire: Eugénie Brouillet, vice-rectrice à la recherche, à la création et à l'innnovation, François Gélineau, doyen de la Faculté des sciences sociales, Caroline Hervé, titulaire de la Chaire de recherche sur les relations avec les sociétés inuit, et Martin Fortier, directeur général de Sentinelle Nord.
Photo: Marc Robitaille