Même si l'horloge biologique des hommes se fait moins bruyamment entendre que celle des femmes, le passage des ans peut réserver de mauvaises surprises à ceux qui souhaitent devenir père sur le tard. En effet, plus un homme est âgé, moins ses spermatozoïdes sont fertiles et plus le risque d'anomalies génétiques augmente. Congeler du sperme alors qu'un homme est dans la force de l'âge afin de l'utiliser ultérieurement lorsque l'appel du berceau se fait entendre semble donc une façon commode de déjouer les méfaits du temps. Mais il s'agirait d'une fausse bonne idée, suggère une analyse publiée dans la revue Human Reproduction.
Le bioéthicien Vincent Couture, de la Faculté des sciences infirmières, de l'Institut d'éthique appliquée et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, Guido Pennings, de la Gent University, et Willem Ombelet, de la Hasselt University, ont examiné les mérites de cette stratégie à la lumière des données probantes sur la cryopréservation du sperme. On sait que cette pratique a cours depuis de nombreuses années pour des raisons médicales, notamment pour les hommes qui doivent subir des traitements anticancéreux, qu'on pense, par exemple, à l'impresario René Angelil ou au cycliste Lance Armstrong. Par contre, elle est encore peu répandue pour des raisons sociales comme l'âge. «Certains bioéthiciens estiment toutefois qu'il s'agit d'une option acceptable considérant que sa finalité est le bien-être des enfants issus de ces paternités tardives», signale Vincent Couture.
Certains courants sociaux pourraient contribuer à normaliser cette pratique, poursuit-il. Dans la plupart des pays industrialisés, l'âge au moment du premier enfant augmente, tant chez l'homme que chez la femme. Cela implique que les grossesses subséquentes, s'il y en a, arrivent encore plus tardivement. «La fécondité des hommes de plus de 35 ans est déjà 50 % plus faible que celle des hommes de moins de 25 ans. De plus, dès le début de la quarantaine, on constate qu'il y a accumulation de dommages à l'ADN des spermatozoïdes, ce qui peut affecter le déroulement de la grossesse et la santé du bébé», rapporte Vincent Couture.
Autre élément qui pourrait changer la donne, la vasectomie est en hausse dans plusieurs pays. Une partie des hommes qui y ont recours pourrait souhaiter constituer une réserve de sperme avant l'intervention, afin d'éviter de devoir passer sous le bistouri si l'éventualité d'une nouvelle paternité se présentait ultérieurement.
Enfin, la cryopréservation du sperme pourrait devenir plus populaire à mesure que les effets négatifs de l'âge sur les chances de devenir père et d'avoir un enfant en bonne santé seront mieux connus dans la population, ajoute le professeur Couture. «Toutefois, la procédure de congélation cause elle-même des dommages aux spermatozoïdes. Elle réduit leur viabilité et leur motilité, et elle peut affecter leur intégrité génétique. Le remède lui-même peut occasionner les problèmes qu'il cherche à corriger. Ce sont surtout les dommages génétiques qui sont préoccupants chez l'homme.»
Jusqu'à maintenant, la question de la parentalité tardive a surtout été examinée sous l'angle de la femme, constate Vincent Couture. «C'est compréhensible étant donné que la ménopause impose une limite nette à la reproduction. Chez l'homme, la baisse de fécondité est très graduelle.» Mais, le rôle des hommes dans la reproduction est en mutation, poursuit-il. Au-delà de la parentalité biologique, il y a la parentalité sociale. «Il faut considérer le fait que nous allons accompagner notre enfant jusqu'à ce qu'il soit autonome. Nous vivons présentement une grande expérience sociale où la parentalité à un âge avancé est en voie de devenir courante. Cela ne va pas sans risque et il faut que la population en soit informée. La paternité tardive a, tout comme la maternité à un âge avancé, des conséquences dont il faut être conscient.»