Quaqtaq est un petit village inuit situé sur la côte ouest de la baie d’Ungava, à l’extrême nord du Québec. Ces jours-ci, Guillaume Cinq-Mars, étudiant à la maîtrise au Département de biologie de l’Université Laval, et Adriano Majesky, postdoctorant à l’Institut national de santé publique du Québec, font des prélèvements sur des bélugas migrateurs abattus dans la baie par les chasseurs inuits. Des échantillons de différents tissus seront analysés afin de connaître leur composition chimique.
«Dans ce village, les habitants consomment beaucoup de mammifères marins, explique Jean-Éric Tremblay, professeur au Département de biologie. Les bélugas font partie de la culture, de l’alimentation et de la sécurité alimentaire des habitants.»
Le professeur Tremblay est le cochercheur principal d’un projet transdisciplinaire et interuniversitaire de trois ans cofinancé par l’Institut nordique du Québec (INQ) et Sentinelle Nord. L’autre cochercheuse principale est la professeure Mélanie Lemire, du Département de médecine sociale et préventive. L’équipe de recherche comprend trois autres professeurs de l’Université Laval, soit Pierre Ayotte, du Département de médecine sociale et préventive, ainsi que Philippe Archambault et Nicolas Derome, du Département de biologie. Un chercheur de l’Université de Montréal, Marc Amyot, et un partenaire du Nunavik Marine Region Wildlife Board, Tommy Palliser, complètent l’équipe.
«Notre projet de recherche part d’un constat fait par l’équipe de Mélanie Lemire et Pierre Ayotte, indique Jean-Éric Tremblay. Les Inuits de Quaqtaq consomment un mets à base de peau et de graisse de béluga, qui s’avère exceptionnellement riche en sélénonéine, un antidote potentiel contre la toxicité du mercure.»
Une piste de recherche est le fait que les femmes de Quaqtaq, selon une enquête de santé précédemment menée auprès des Inuits, présentent une teneur en sélénonéine beaucoup plus grande que les hommes. «Une hypothèse formulée par les Inuits lorsqu’ils ont été informés de ce résultat, dit-il, est que les femmes ont tendance à manger la peau de la queue du béluga, les hommes mangeant le reste. Cette partie du béluga pourrait être plus riche en sélénonéine.»
Les chercheurs ont comme objectif d’élucider les liens entre l’environnement marin de Quaqtaq et les qualités nutritives non seulement du béluga, mais aussi des mollusques appelés bivalves que consomment fréquemment les habitants du village. Des recherches récentes suggèrent que ces bivalves, ainsi que d’autres animaux benthiques et les sédiments du fond marin peuvent jouer un rôle important dans l’acquisition de nourriture et de sélénonéine par le béluga. Dans ce fond marin pourraient se développer des bactéries et des champignons producteurs de sélénonéine.
La géothermie à Whapmagoostui-Kuujjuarapik
Dans le Grand Nord, les communautés autochtones éloignées dépendent du diesel, ou mazout, un carburant fossile, pour la production de chaleur et d’électricité. Quelques initiatives faisant appel à des technologies propres comme le solaire photovoltaïque et l’éolien ont été expérimentées avec des succès mitigés. Mais un nouveau projet de recherche, axé sur l’utilisation des énergies renouvelables, un projet transdisciplinaire et interuniversitaire de trois ans financé par l’INQ et Sentinelle Nord, est maintenant en cours sur ce territoire.
«Ce projet vise à résoudre les problématiques de l’approvisionnement en chaleur renouvelable et du stockage énergétique longue durée en régions froides», indique le chercheur principal du projet, le professeur Jasmin Raymond, de l’Institut national de la recherche scientifique – Centre Eau Terre Environnement. «Notre objectif est de fournir un approvisionnement énergétique continu aux communautés du Nunavik», poursuit-il.
Plus de 12 000 personnes vivent dans cette vaste région. On y trouve aussi quelques mines en activité, qui sont des consommatrices majeures d’énergie. Le diesel, lui, est acheminé par bateau depuis Québec.
Comme première étape, les chercheurs se concentrent sur le complexe de recherche du Centre d’études nordiques (CEN) de l’Université Laval à Whapmagoostui-Kuujjuarapik. Ce laboratoire vivant servira au développement d’un concept d’intégration de systèmes énergétiques hybrides qui pourra être étendu à d’autres villages du Nunavik.
«On part avec la station du CEN notamment parce qu’il est plus facile d’avoir accès à la facture énergétique des bâtiments, souligne Jasmin Raymond. Au Nunavik, l’énergie coûte très cher.»
Les chercheurs concevront ensuite un modèle de bâtiment dans lequel on simulera l'effet de solutions énergétiques hybrides, comme la biomasse, le solaire photovoltaïque, l’éolien et la géothermie, pour en déterminer la portée des économies et la diminution de l’empreinte carbone.
«Une des problématiques que l’on veut aborder est l’intermittence du rayonnement solaire, les journées étant assez longues en été et plus courtes en hiver, explique le professeur Louis Gosselin, du Département de génie mécanique de l’Université Laval et membre de l’équipe de recherche. L’été, des panneaux solaires produiront une certaine quantité d’énergie. Il nous faut trouver une façon de stocker la chaleur dans le sol et d'aller la chercher plus tard, en hiver, pour la distribuer dans les bâtiments du CEN.»
Transdisciplinaire, l’équipe de recherche comprend deux autres professeurs de l’Université Laval, soit Christophe Krolik, de la Faculté de droit, et Thierry Rodon, du Département de science politique. Six partenaires sont de la partie, dont le Centre d’études nordiques, le cégep de Jonquière et Transition énergétique Québec. Les chercheurs considéreront les comportements humains, parfois difficiles à prédire, qui influencent la consommation d’énergie. Dans l’optique d’accélérer le déploiement d’un portefeuille énergétique varié, ils procéderont à une analyse rigoureuse des cadres réglementaire et politique.