Vous cherchez un régime pour perdre quelques kilos, des aliments qui atténuent les douleurs inflammatoires ou des recettes véganes sans gluten? Nul doute qu'il se trouve quelque part sur le Web 2.0 des influenceurs pour guider vos choix. Il faut toutefois être vigilant parce que, dans bien des cas, les conseils prodigués par ces personnes ne sont pas fiables, révèle une étude réalisée par des chercheuses de l'Université de l'Alberta et par Sophie Desroches, professeure à l'École de nutrition et chercheuse à l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels.
Les chercheuses arrivent à cette conclusion après avoir analysé les comptes Instagram de 29 influenceurs, dont 13 professionnels de la santé. Ces comptes avaient au moins 15 000 abonnés et ils diffusaient du contenu faisant la promotion de produits, de services ou d'idées liées à la nutrition ou la santé. Les chercheuses ont sélectionné au hasard deux publications par mois pendant un an dans chacun de ces comptes et elles ont évalué la fiabilité de l'influenceur selon des critères élaborés par Les diététistes du Canada, l'association professionnelle qui regroupe les nutritionnistes au pays.
Ces critères vont comme suit. Les publications de l’influenceur:
Font-elles la promotion de cures miracles ou de solutions rapides?
Visent-elles la vente de produits plutôt que d'encourager la prise de décision éclairée?
Reposent-elles sur des histoires personnelles plutôt que sur des faits?
Sont-elles basées sur des données probantes issues de travaux de recherche?
Ces critères ont permis d'attribuer un score global de fiabilité qui se situe entre 0, le moins fiable, à 4, le plus fiable, à chaque influenceur.
Sans surprise, les analyses des chercheuses révèlent des écarts importants entre la fiabilité des influenceurs ayant une formation professionnelle en santé (pros) et les autres influenceurs (non-pros):
Le score moyen de fiabilité des pros est de 2,4 contre 1,2 pour les non-pros
Parmi les non-pros, 38% ont obtenu le score 0, alors qu'aucun pro n'a obtenu cette note
À l'opposé, 15 % des pros ont décroché la note 4, alors qu'aucun non-pro n'a obtenu ce score
Ce sont 69 % des non-pros qui affichent des publications relatives à des cures miracles et à des solutions rapides, contre 8 % du côté des pros
Première conclusion, le risque de désinformation est plus grand lorsque les gens consultent les comptes Instagram de non-professionnels de la santé. Pourquoi les gens se fient-ils aux vedettes du Web 2.0 pour des questions touchant leur alimentation, alors que ces influenceurs n'ont pas de compétences particulières en la matière? «Ces personnes ont souvent beaucoup de charisme, elles disposent du soutien de commanditaires pour faire des photos parfaites et très attirantes et elles proposent des solutions simples et rapides, commente Sophie Desroches. De plus, comme elles ne sont pas soumises à un code de déontologie, elles peuvent faire des promesses peu nuancées et peu réalistes sans craindre les conséquences.»
Deuxième conclusion, les publications Instagram des professionnels de la santé ne sont pas irréprochables sur le plan de la fiabilité. «Le format des publications sur Instagram se prête mal aux explications détaillées et nuancées et à la mise en contexte, qui sont essentielles à la prise de décisions éclairées en nutrition, fait valoir la professeure Desroches. Cette contrainte peut expliquer pourquoi les quatre critères de fiabilité ne sont pas respectés par tous.»
Instagram n’est pas l’endroit le plus indiqué pour trouver des informations fiables sur la santé et la nutrition, estime la chercheuse. Par contre, cette plateforme compte plus de 1 milliard d'abonnés et elle constitue un puissant vecteur d'information. «Les professionnels de la santé ont tout intérêt à profiter d'Instagram pour diffuser des messages fiables et utiles à la population.»
Idéalement, il faudrait élaborer des outils, par exemple un seau de qualité attestant de la fiabilité d’un compte Instagram, qui permettraient au public de distinguer le bon grain de l’ivraie dans cette jungle d'information. D’ici là, la professeure Desroches signale que Les diététistes du Canada publient sur leur site une liste de 75 membres de l’association qui animent des blogues – dont deux en français – et qui sont actifs sur les réseaux sociaux.
Outre la professeure Desroches, les signataires de l'article sont Adnan Black, Melissa A. Fernandez et Kim D. Raine, de l'Université de l'Alberta.