Longtemps, les philosophes et les astronomes ont pourtant considéré cette organisation comme inamovible, sans changement, a rappelé le conférencier. Il a fallu attendre 1920–1930 pour que naisse la théorie du Big Bang et que les scientifiques découvrent les jalons de la construction graduelle de cet archipel de 100 milliards de galaxies «flottant comme des îles sur la mer», comme le décrit joliment Hubert Reeves. Rappelant la découverte de la gravité de Newton, puis celle de la théorie d’Einstein permettant de la calculer, et les observations au télescope d’Edwin Hubble pour mesurer la distance entre les galaxies et leur vitesse de déplacement, Hubert Reeves a énoncé quelques vérités. Oui, les galaxies s’éloignent les unes des autres de plus en plus rapidement, mais non il n’y a pas de centre et l’on ne peut pas dire que l’Univers s’étend dans un autre espace.
Tout au long de sa conférence très imagée, qu’on pourra bientôt télécharger sur le site de la radio étudiante CHYZ, le vulgarisateur a pris soin de préciser que la pensée scientifique doit toujours être confirmée par des observations. Ainsi, la théorie du Big Bang semblait plutôt sulfureuse dans les années 1950, car proche de celle du chaos qui caractérise nombre de religions. La découverte de deux ingénieurs américains en 1965 a changé la donne. Ils ont observé en effet un rayonnement fossile dans le ciel, vestige du Big Bang. À partir de là, les scientifiques ont su que l’Univers se refroidissait, qu’il était de moins en moins dense, qu’il s’obscurcissait et surtout qu’il était richement organisé.
Aux yeux d’Hubert Reeves, il s’agit d’une organisation pyramidale qui se compare à celle du langage. Si les lettres mènent aux mots, puis aux phrases, aux chapitres, aux livres et, enfin, aux bibliothèques, les électrons et les quarks constituent les premiers éléments de l’Univers alors qu’il n’y avait pas de galaxie, pas d’étoiles, seulement des particules élémentaires voici 13,7 milliards d’années. Peut-on pour autant décréter que l’Univers est né à ce moment-là? Non, rétorque l’astrophysicien. «C’est l’élément le plus lointain, mais pas forcément le début. Il faut se tenir le plus près possible des observations, car le reste, c’est de la science-fiction.» Souriant dans sa barbe, ce diplômé de l’Université Cornell dans l’État de New York a rappelé que les connaissances évoluent. Ainsi, dans les années 1950, son professeur George Gamow, le célèbre physicien russe, était prêt à gager la moitié de sa fortune considérable avec ses étudiants qu’on ne pouvait pas scinder des protons. Or, depuis, la théorie quantique a prouvé le contraire. Conclusion logique, les prédictions ne reposent que sur nos connaissances d’aujourd’hui et nul ne sait pour l’instant si l’Univers se refroidit ou si les galaxies s’éloignent, ou si au contraire elles reviennent les unes vers les autres en se réchauffant. La suite à la prochaine conférence d’Hubert Reeves?