Doté d'un montage financier de 7,5M, le volet québécois du projet DEEL (DEpendable & Explainable Learning) a été lancé le 14 septembre. Il s'agit d'un projet majeur, dont les innovations «auront assurément des impacts concrets pour le domaine de l'aérospatiale, tant ici qu'à l'international», a souligné la rectrice de l'Université Laval, Sophie D'Amours. L'initiative s'attaque à l'un des problèmes clefs relatifs à l'intelligence artificielle (IA), pour l'aérospatiale autant qu'au-delà: la certification.
Comparativement à l'informatique traditionnelle – où le programmeur dicte à la machine ce qu'elle doit faire pour résoudre une tâche –, en apprentissage automatique c'est la machine qui tisse elle-même son chemin. Le programmeur lui fournit une quantité importante de données et un problème à résoudre. Il est ainsi difficile de bien cerner le chemin parcouru par la machine et, de ce fait, il est presque impossible de garantir que les systèmes développés soient sans faille. «Cette incapacité à expliquer et à certifier les systèmes d'IA limite l'usage qu'on peut en faire, tout particulièrement dans le cas de systèmes critiques comme les systèmes embarqués d'aéronefs, autant que dans une foule de domaines où la vie et la sécurité des gens est en jeu», explique François Laviolette, professeur et directeur du Centre de recherche en données massives de l'Université Laval et scientifique responsable du projet DEEL-Québec.
Au fil des 5 prochaines années, 20 équipes de recherche issues de 5 universités québécoises (Polytechnique Montréal, UQAM, Université de Montréal, Université McGill et Université Laval) travailleront aux côtés de quatre fleurons québécois du secteur aérospatial (Thales Canada, CAE, Bombardier et Bell Textron Canada) ainsi qu'avec le soutien du Consortium de recherche et d'innovation en aérospatiale au Québec et de l'IVADO afin de relever ce défi.
«En répondant aux enjeux dits d'interprétabilité et de robustesse, de même qu'en développant des approches liées aux principes de Privacy By Design, on vise à pouvoir certifier, hors de tout doute, qu'une intelligence artificielle va faire ce qu'elle doit faire, à l'intérieur du cadre dans lequel elle a été implémentée», poursuit François Laviolette. Appuyé par l'équipe de l'Institut intelligence et données, le professeur assurera la direction de ce projet regroupant des expertises tant en IA qu'en génie logiciel. «On va mettre ces deux communautés-là ensemble afin de voir si on est en mesure d'adapter et d'appliquer des méthodes de certification associées à l'informatique traditionnelle dans un contexte d'apprentissage automatique», ajoute-t-il.
Une force de frappe internationale
Les équipes de Québec et de Montréal agiront de concert avec des chercheurs européens, pilotés à partir de Toulouse (France) par l'IRT Saint-Exupéry. De ce fait, le 7,5M$ québécois s'intègre dans un financement plus large – atteignant les 40M$ à l'échelle internationale. «Le projet DEEL est aujourd'hui le projet phare d'IA à visée applicative dans le monde du transport», a d'ailleurs rappelé Geneviève Fioraso, présidente de l'IRT Saint-Exupéry.
«Tout est à faire dans le domaine de l'IA certifiable. Avec le projet DEEL, on est les premiers à chercher à résoudre ces problèmes avec une force de frappe scientifique majeure. Les innovations qui vont en ressortir serviront, évidemment, au secteur aérospatial, mais aussi à d'autres domaines où il y a des enjeux relativement aux systèmes critiques et où l'on a besoin d'IA explicable, robuste et certifiable», explique François Laviolette.
Collaboration panquébécoise
Avec six équipes de recherche basées à l'Université Laval, la structure du projet DEEL confirme le dynamisme de la recherche en IA de la grande région de Québec. Aux côtés du professeur Laviolette, les professeurs Mario Marchand, Christian Gagné, Nadia Tawbi, Josée Desharnais et Jean-François Lalonde, de la Faculté des sciences et de génie, travailleront donc de concert avec leurs collègues québécois et européens. «Une collaboration qui montre la grande cohésion panquébécoise sur le plan de la recherche en IA», remarque le chercheur.