«Les praticiens de la finance vivent un paradoxe, explique Bertrand Malsch. Sur la place publique, ils affichent un rapport de confiance à l’endroit des vérificateurs et de leur travail. À l’interne, cependant, ils ont plutôt un rapport de méfiance avec eux, car le travail des vérificateurs est compromis par un conflit d’intérêts structurel qui provient du fait qu’ils sont payés par ceux qu’ils vérifient.» L’étudiant rappelle qu’il y a quelques années, cette «proximité», poussée à la limite, avait probablement joué un rôle dans les retentissants scandales financiers impliquant les firmes américaines WorldCom et Enron.
Selon Bertrand Malsch, la confiance manifestée officiellement par les praticiens de la finance à l’endroit des vérificateurs repose sur une représentation mythique de rationalité. «Cette représentation, souligne-t-il, vise à maintenir le statu quo à l’intérieur du système financier. Tous les échelons du système financier doivent avoir confiance entre eux, sinon le système risquerait de s’effondrer, comme on le voit avec la crise financière actuelle. La méfiance entre les banques a entraîné un tarissement du crédit.»
Sceptiques, voire mal à l'aise, les praticiens de la finance font un usage limité de l’information financière validée par les vérificateurs. Selon Bertrand Malsch, cette situation a des conséquences sur leur travail. «Les mécanismes utilisés au quotidien pour prendre des décisions relatives à des investissements et à des recommandations sont moins rationnels que ce que l’on pourrait imaginer, affirme-t-il. Par exemple, les praticiens de la finance ont tendance à accorder beaucoup plus d’importance à l’intégrité et à la compétence de l’équipe de gestion d’une société qu’à l’information financière quantitative contenue dans les états financiers. Il est également ressorti de la douzaine d’interviews réalisées que l’intuition joue un rôle important dans leur travail.» En plus des praticiens, les chercheurs ont considéré les commentaires émis par les participants à trois importants congrès de comptables. Enfin, ils ont analysé le contenu de 25 sites Web de sociétés d’investissements internationales.