Les chercheurs ont appliqué deux indices de surpoids et d’obésité reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à un groupe de 2545 adultes de quatre communautés inuites d’Alaska, du Nunavut, du Nunavik et du Groenland. Ces indices sont le tour de taille et l’indice de masse corporelle (poids en kilos divisé par le carré de la taille en mètre). En utilisant les valeurs seuils proposées par l’OMS, les chercheurs ont déterminé que, chez les Inuits, le surpoids touche 37 % des hommes et 33 % des femmes, alors que l’obésité frappe 16 % des hommes et 26 % des femmes. Ces prévalences sont élevées, mais elles se comparent à ce qu’on observe d’autres populations d’Europe et d’Amérique, observent les chercheurs.
Toutefois, pour un degré d’obésité donné, les Inuits avaient une tension artérielle plus basse et un meilleur profil de lipides sanguins qu’un groupe comparable de Canadiens de descendance européenne. «Les indices actuels ne traduisent pas fidèlement les risques métaboliques associés à l’obésité chez les Inuits», commente le professeur Dewailly. Parmi les hypothèses envisagées pour expliquer cette apparente immunité, les chercheurs avancent une particularité anthropométrique – les jambes seraient relativement courtes par rapport au reste de leur corps chez les Inuits –, ce qui gonflerait leur indice de masse corporelle. D’autre part, il est possible que leur tour de taille élevé résulte de la présence de graisses sous-cutanées, beaucoup moins dommageables pour la santé que les graisses viscérales. Enfin, Éric Dewailly n’écarte pas la possibilité que le régime alimentaire des Inuits puisse avoir un effet protecteur contre les méfaits habituels de l’obésité.
La situation des Inuits ne serait pas unique au monde puisque d’autres populations, notamment aux Seychelles et en Polynésie française, seraient mal servies par les critères d’obésité présentement en vigueur. À la lumière de ces observations, Éric Dewailly et ses collègues plaident en faveur de l’adoption de critères d’obésité spécifiques à chaque population. «L’application d’un critère universel d’obésité ne tient pas suffisamment compte de la biodiversité de l’espèce humaine, constate le chercheur. Tous les humains ne sont pas faits pareils.»