
Si la première idée qui vous vient à l'esprit en regardant cette photo est 400 calories, vous êtes un bon candidat pour une intervention nutritionnelle visant à vous reconnecter à vos sens.
C'est ce que démontre une équipe de l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) dans un récent numéro de Food Quality and Preference. «Les personnes préoccupées par leur poids en viennent à envisager les aliments en termes de composition nutritionnelle, de calories et d'interdit, explique Karine Gravel, première auteure de l'étude. L'intervention que nous avons testée mise sur le recours aux cinq sens pour apprendre à manger de façon intuitive plutôt qu'avec sa tête. Et elle n'impose pas de restrictions alimentaires.»
Cette intervention comporte six ateliers hebdomadaires de 90 minutes. On y traite d'abord de thèmes sérieux comme les facteurs qui influencent la prise alimentaire ainsi que des signaux de faim et de satiété. Puis, vient la partie de plaisir. «En petits groupes, nous dégustons des aliments comme du chocolat, des fromages, des fruits et des croustilles en portant attention aux sens qu'ils sollicitent. Il faut passer par l'expérimentation parce que la théorie et les connaissances ne suffisent pas à modifier les comportements alimentaires», souligne la chercheuse.
La grande question: qu'est-ce que ça donne? Chose certaine, l'intervention fait son chemin dans les esprits. Avant le début de l'intervention, les chercheuses ont demandé à 25 participantes de goûter deux biscuits à l'avoine et aux raisins et de les décrire. Après les six semaines d'intervention, on les a invitées à répéter l'exercice. L'analyse des descriptions des mêmes biscuits révèle une augmentation importante du nombre de mots se rapportant à l'apparence, au toucher, à l'odeur, au goût et au bruit sous la dent. «Le fait de pouvoir décrire objectivement un aliment peut aider à le considérer autrement que sous l'angle de la prise de poids et à l'apprécier pour la satisfaction qu'il apporte», observe Karine Gravel.
De plus, la chercheuse a noté un lien entre le nombre de termes objectifs utilisés pour décrire les biscuits et la propension à être à l'écoute de ses signaux internes d'appétit et de satiété. «L'intervention améliore la relation que les participantes ont avec la nourriture, ce qui pourrait limiter certains comportements néfastes comme la compensation alimentaire et le fait de manger sans avoir faim. Même si manger intuitivement signifie s'accorder la permission inconditionnelle de manger les aliments souhaités, les femmes n'ont pas tendance à manger davantage d'aliments gras ou sucrés, comparativement à celles qui exercent un contrôle sur leur prise alimentaire. L'alimentation intuitive influence davantage la quantité d'aliments consommés que le choix des aliments.»
Les résultats de cette étude pilote laissent miroiter des lendemains plus sereins pour les personnes aux prises avec des problèmes de poids. Déjà, quelques nutritionnistes s'y intéressent, notamment Marie Watiez, l'une des auteures de l'étude, et d'autres nutritionnistes pourraient lui emboîter le pas. D'ailleurs, Karine Gravel a elle-même mis sur pied une entreprise, Papilla, qui offrira des formations en lien avec l'alimentation intuitive.
L'étude parue dans Food Quality and Preference est signée par Karine Gravel, Geneviève Ouellet-St-Hilaire, Anne Deslauriers et Véronique Provencher, de l'INAF, et par leurs collaboratrices Marie Watiez, Michelle Dumont et Andrée-Ann Dufour-Bouchard,