Angelo Tremblay, Catherine Lepage, Shirin Panahi, Christian Couture, du Département de kinésiologie, et Vicky Drapeau, du Département d'éducation physique, ont soumis 75 femmes obèses au même régime amaigrissant pendant 12 à 16 semaines. Cette diète visait une restriction calorique de l'ordre de 500 à 700 calories par jour. «Au départ, les participantes des deux groupes avaient le même indice de masse corporelle (33), la même consommation calorique quotidienne et le même métabolisme au repos, souligne Angelo Tremblay. Sur la base de ces informations, nous aurions été incapables de prédire quelles femmes allaient perdre du poids.»
Au terme du régime, les chercheurs ont divisé les participantes en trois groupes selon la perte de poids enregistrée. Les femmes du tiers supérieur avaient perdu, en moyenne, 6,2 kg, alors que celles du tiers inférieur avaient conservé grosso modo le même poids. En comparant les deux groupes, les chercheurs ont découvert que les femmes du tiers supérieur avaient réduit de 603 calories par jour leur consommation alimentaire, alors que cette baisse atteignait seulement 245 calories pour les femmes du tiers inférieur. «Cet écart explique en bonne partie la différence dans la perte de poids observée entre les deux groupes», constate le professeur Tremblay.
Cette différence déplace la question à un autre niveau: comment expliquer que certaines participantes atteignent la cible de restriction calorique, alors que d'autres n'y arrivent pas? En comparant les deux groupes, les chercheurs ont constaté que, même si elles n'ont pas perdu de poids, les femmes du tiers inférieur ont maintenu une susceptibilité à la faim (la prédisposition à ressentir la faim en réponse à des stimuli externes) plus élevée que les femmes du tiers supérieur. Leur perception de la faim est également demeurée plus élevée. «Elles semblent moins aptes à composer avec les différents signaux de la faim, ce qui limite leur capacité de réduire leur consommation calorique», résume Angelo Tremblay.
Autre différence, chez les femmes du tiers supérieur, la durée et la qualité du sommeil s'améliorent en cours de régime. «On ne sait pas ce qui est la cause et ce qui est l'effet, mais nos travaux antérieurs ont montré qu'un sommeil de qualité favorise une meilleure régulation du poids», signale le chercheur. Enfin, le métabolisme au repos des femmes du tiers supérieur s'est maintenu, même après la perte de plusieurs kilos, alors qu'en théorie, il aurait dû diminuer. «Ceci signifie qu'en plus de consommer moins de calories, ces femmes brûlent plus de calories que prévu», poursuit-il.
Les différences observées entre les deux groupes suggèrent que des mécanismes biologiques, probablement de nature hormonale, interviennent pour favoriser ou pour prévenir la perte de poids. «Il faut cesser de dire que c'est uniquement par manque de volonté ou d'efforts que certaines personnes ne parviennent pas à perdre du poids. La biologie est également en cause», estime le professeur Tremblay.
Bien que ces propos soient de nature à déculpabiliser les personnes qui ne parviennent pas à perdre du poids, ils ne règlent pas leur problème pour autant. «Même si vous ne perdez pas de poids, il faut continuer de bien vous alimenter et de bouger, recommande le chercheur. Ces bonnes habitudes de vie apportent tout de même des améliorations sur le plan de la santé métabolique et du bien-être psychologique. En plus, elles préviennent un gain de poids supplémentaire.»