
Le lac Ward Hunt, au nord d'Ellesmere dans l'extrême arctique canadien. Les données recueillies par les chercheurs du Centre d'études nordiques suggèrent que le lac pouvait être gelé en permanence avant les années 1800.
— Dermot Antoniades
L’étude signée par Dermot Antoniades, Warwick Vincent (Biologie), Reinhard Pienitz (Géographie) et six autres chercheurs canadiens, américains et néo-zélandais repose sur l’analyse d’une carotte de sédiments prélevée au centre du lac Ward Hunt en août 2003. Cette carotte, longue de 18 centimètres, renferme des pigments d’algues de même que des restes de diatomées que les chercheurs ont utilisés comme archives biologiques pour reconstituer la composition et l’abondance des communautés aquatiques de ce lac depuis 8450 ans.
Les analyses des couches profondes de sédiments révèlent, sans surprise, une très faible abondance d'algues, ponctuée d'oscillations mineures. Par contre, les deux centimètres superficiels, qui correspondent aux 200 dernières années, montrent un changement brusque dans les populations d'algues: la concentration de chlorophylle a, un pigment présent dans toutes les espèces de ce lac, augmente par un facteur de 500. Une espèce de diatomées typique des milieux très froids fait également son apparition dans les sédiments pendant cette période. «L'absence de diatomées et la faible concentration de pigments sous le niveau de 2,5 cm de la carotte suggèrent que le lac pouvait être gelé en permanence avant les années 1800», souligne Dermot Antoniades.
Située à la hauteur du 83e parallèle, l’île Ward Hunt est entourée de glace de tous côtés. Le lac lui-même est recouvert en permanence d'une couche de quatre mètres de glace, à l'exception d'une petite zone périphérique qui est en eau libre quelques semaines chaque été. «C’est donc un environnement extrême pour les organismes vivants, mais nos données indiquent que les conditions actuelles sont plus propices à la croissance des algues que celles qui régnaient dans le passé, signale le chercheur. Nous ne pouvons affirmer que ces changements ont été provoqués par les activités humaines, mais les variations naturelles observées au cours des derniers millénaires n'ont jamais été aussi brusques ni aussi importantes.»