
Les petits groupes de bisons restent moins longtemps dans les prés, préférant la relative sécurité que leur offrent les forêts.
— Karine Dancose
Daniel Fortin, Marie-Ève Fortin, Sabrina Courant et Karine Dancose, du Département de biologie et du Centre d'étude de la forêt, Thierry Duchesne, du Département de mathématiques et statistique, et Hawthorne Beyer, de l'Université de Glasgow, se sont intéressés à la sélection d'habitat des bisons des plaines qui habitent le parc national de Prince Albert en Saskatchewan. Ce troupeau compte environ 400 bêtes qui circulent librement dans un secteur de 1 200 km2 couvert de forêts (85 %), de prés (10 %) et de plans d'eau (5 %). Animaux grégaires, surtout les femelles et les jeunes, les bisons forment des attroupements éphémères dont la taille varie de 3 à 150 têtes. À l'occasion, ces bêtes s'aventurent à l'extérieur des limites du parc, ce qui crée certains inconvénients aux fermiers des environs (bris de clôtures, dérangement des animaux d'élevage). «Si nous arrivons à mieux comprendre ce qui détermine les déplacements des bisons, nous pourrons envisager des solutions pour limiter leurs excursions hors du parc.»
Grâce à des colliers GPS, les chercheurs ont récolté des données sur les déplacements des bisons entre 2005 et 2007. Leurs analyses révèlent que l'habitat fréquenté par ce bovidé varie selon la taille des attroupements: les prés constituent son habitat de prédilection, surtout lorsque la taille du groupe est grande. Ce ne serait pas le manque de nourriture qui pousse les bisons à quitter un pré donné. «Les grands groupes sont ceux qui restent le plus longtemps dans un pré. Si les déplacements du bison étaient conditionnés par l'abondance de nourriture, on devrait observer le contraire: plus il y a de bêtes, plus vite elles devraient épuiser les ressources et quitter l'endroit», explique Daniel Fortin.
Ce serait plutôt la crainte des prédateurs, le loup dans ce cas-ci, qui les incite à se déplacer constamment, avance le chercheur. La prédation n'est pas négligeable dans cette région: 20 % des femelles avec collier GPS ont péri sous les crocs des loups pendant la durée de l'étude. «Synchroniser ses activités avec celles d'un groupe impose beaucoup de contraintes à un animal. Pour qu'il le fasse, il faut que les bénéfices soient supérieurs aux coûts. Pour le bison, la diminution du risque de prédation constitue un avantage important», estime-t-il.
Les chercheurs ont noté que les groupes de bisons se forment dans les prés et se défont dans les forêts ou lors des déplacements plus longs qui surviennent quotidiennement. Cette dynamique de formation et de scission des groupes a une incidence sur la sélection d'habitat puisque les petits groupes restent moins longtemps dans les prés. Le professeur Fortin croit que des aménagements facilitant la connectivité entre les prés situés dans le parc ou encore des clôtures érigées dans des endroits stratégiques pourraient réduire les escapades du bison en zones agricoles.