Nous avons presque tous eu la roséole lorsque nous étions petits. Nous en avons tous guéri, mais le virus responsable de cette maladie, l'herpèsvirus humain de type 6 (HHV-6), n'a pas disparu pour autant de notre organisme. Son ADN est toujours présent dans nos cellules et, chez certains d'entre nous, il est même intégré à nos chromosomes, ce qui lui permet de passer sous le radar du système immunitaire.
Paradoxalement, pour réaliser cet habile subterfuge, le virus se sert d'une protéine humaine, la TRF2, dont la fonction est justement de protéger l'intégrité de nos chromosomes. C'est ce que démontre l'équipe du professeur Louis Flamand, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, et leurs collaborateurs d'Allemagne et des États-Unis dans un article scientifique publié récemment par PLOS Pathogens.
Le HHV-6 ne s'intègre pas au hasard dans notre génome. Il se terre dans les télomères, les extrémités des chromosomes. Le virus et les télomères ont un point commun: tous deux renferment de nombreuses répétitions de la même séquence de nucléotides (TTAGGG). «On compte de 15 à 180 de ces répétitions chez HHV-6 et jusqu'à 2500 dans chaque télomère humain», rappelle Louis Flamand.
Au moment où HHV-6 infecte une cellule, le nombre de ces répétitions télomériques à l'intérieur d'une cellule augmente par un facteur variant de 2 à 3. «Il s'agit d'une hausse énorme et elle est causée par la réplication du virus», souligne le chercheur.
En réponse à cette prolifération télomérique, la TRF2, habituellement localisée dans les télomères, s'associe à l'ADN viral. En conditions normales, cette protéine a pour fonction de protéger les télomères en leur évitant d'être considérés comme des brins d'ADN endommagés nécessitant des réparations. «Lorsque l'ADN viral se lie à la TRF2, il se trouve lui aussi protégé contre ce mécanisme de réparation, souligne le professeur Flamand. De plus, il semble que la TRF2 facilite l'intégration du virus dans les chromosomes.»
Cette hypothèse est soutenue par le fait que si on empêche les cellules de produire de la TRF2, le succès de l'intégration du HHV-6 diminue fortement. Par ailleurs, si on enlève les séquences répétitives du virus, celui-ci ne s'intègre plus dans le génome, résume le chercheur.
Un virus qui peut se réactiver
Comme c'est le cas chez les autres herpèsvirus, dont celui qui est responsable des feux sauvages, le génome latent du HHV-6 peut être réactivé lorsque les conditions favorables sont réunies. Cette réactivation peut causer d'importants problèmes de santé, notamment aux personnes immunosupprimées et aux personnes qui ont subi une greffe d'organe.
«Notre étude apporte un nouvel éclairage sur les mécanismes qui conduisent à l'intégration du HHV-6 à notre génome, mais il sera encore plus intéressant de savoir comment il s'en extirpe. Nous avons entrepris des travaux sur cette question et nous sommes sur des pistes prometteuses pour empêcher la réactivation du HHV-6», affirme le professeur Flamand.
L'étude parue dans PLOS Pathogens est signée par Shella Gilbert-Girard, Annie Gravel, Vanessa Collin et Louis Flamand, de l'Université Laval, Darren Wight et Benedikt Kaufer, de la Freie Universität Berlin, et Eros Lazzerini-Denchi, du National Cancer Institute des États-Unis.