Pendant la grossesse, une prise de poids qui dépasse les recommandations médicales est associée à une augmentation importante du risque de complications périnatales pour la mère et l'enfant, révèle une étude qui vient de paraître dans le Journal of Clinical Medicine. Heureusement, ce risque peut être atténué de façon appréciable si la prise de poids recommandée est respectée pendant le troisième trimestre, ont constaté les chercheurs de l'Université Laval et de l'Université de Clermont-Auvergne qui ont réalisé cette étude.
Ces travaux, dirigés par les professeurs Jean-Claude Forest et Yves Giguère de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, reposent sur des données portant sur 6551 femmes enceintes de la région de Québec. Au moment de leur première visite médicale, qui s'est déroulée entre la 14e et la 18e semaine de grossesse, 5% des participantes avaient un indice de masse corporelle (IMC) sous la normale (<18,5), 62% avaient un IMC normal (18,5-24,9) 21% avaient un surpoids (25-29,9) et 12% étaient obèses (>30). «L'embonpoint en début de grossesse est, en soi, un facteur de risque de complications périnatales déjà connu, signale le professeur Giguère. Nous voulions savoir comment la prise de poids subséquente influençait ce risque.»
En 2009, l'Institute of Medecine, maintenant nommé la National Academy of Medecine des États-Unis, publiait ses recommandations sur une saine prise de poids pendant la grossesse. Pour les femmes sous l'IMC normal, la prise de poids recommandée est de 12,5 à 18kg, pour les femmes dont l'IMC est normal, elle est de 11,5 à 16kg, pour les femmes en surpoids, elle est de 7 à 11,5kg, et pour les femmes obèses, elle est de 5 à 9kg.
Les analyses menées sur la cohorte de femmes recrutées à Québec révèlent qu'au deuxième trimestre, 57% des femmes dépassent les recommandations de prise de poids. Au troisième trimestre, cette proportion se situe à 54%. Ces grossesses sont caractérisées, entre autres, par un risque plus élevé d'hypertension de grossesse (1,9 fois), d'hypoglycémie du nouveau-né (1,9 fois), d'accouchement par césarienne (1,3 fois) et de macrosomie foetale – un bébé de poids supérieur à 4 kg à la naissance – (2,2 fois). «Un gain de poids trop élevé pendant la grossesse augmente le risque de complications périnatales pour la mère et le bébé, résume le professeur Giguère. Les femmes qui étaient en surpoids avant leur grossesse et qui gagnent trop de poids pendant la grossesse ont deux prises contre elles.»
Renverser la tendance
Les chercheurs ont toutefois constaté que les femmes ayant un gain de poids trop élevé pendant le deuxième trimestre, mais un gain de poids normal au troisième trimestre profitaient d'une atténuation des risques de complications périnatales par rapport à celles qui maintenaient une prise de poids excessive. La proportion de participantes atteintes d'hypertension de grossesse se situait alors à 3% plutôt que 5%, le taux de césarienne était de 17% plutôt que de 22% et la macrosomie fœtale touchait 8% des bébés plutôt que 14%.
«Au moment de leur adoption en 2009, les recommandations sur la prise de poids pendant la grossesse n'avaient pas fait l'unanimité dans le milieu médical, rappelle le professeur Forest. Certains les trouvaient trop sévères, mais nos données montrent clairement qu'elles sont fondées étant donné que le non-respect de ces recommandations est associé à une augmentation des complications périnatales pour la mère et l'enfant.»
La grossesse pourrait sembler un mauvais moment pour réduire sa consommation calorique et augmenter son niveau d'activité physique, mais selon les professeurs Forest et Giguère, qui sont tous deux médecins, ce n'est pas le cas. «C'est un défi de modifier ses habitudes de vie pendant la grossesse, mais il n'y a pas de contre-indication dans la mesure où le suivi médical confirme que la grossesse se déroule bien et que le foetus se développe normalement», précise Jean-Claude Forest.
«Les résultats de notre étude devraient inciter les médecins à discuter davantage des risques associés au gain de poids avec leurs patientes et à leur proposer des interventions au besoin. C'est un sujet important parce qu'il a des répercussions sur la santé de la mère et de l'enfant», conclut Yves Giguère.
Les autres auteurs de l'étude sont Damien Bouvier et Bruno Pereira, de l'Université Clermont-Auvergne, et Émilie Dion-Buteau, Nathalie Bernard et Emmanuel Bujold, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.