
Une disproportion patient-prothèse (DPP) survient lorsqu'il y a une correspondance imparfaite entre la taille de la prothèse installée pour remplacer une valvule cardiaque et l’aire du passage dont elle contrôle l'ouverture. Une valvule trop petite limite l’aire par laquelle le flot sanguin s’écoule (aire valvulaire effective), ce qui a un impact sur l’efficacité cardiaque. Lors d'une chirurgie, les médecins prennent plusieurs facteurs en considération au moment de choisir la prothèse qu'ils greffent à leur patient: sa nature (valve mécanique ou valve d’origine animale), sa propension à former des caillots au contact du sang du patient, sa durabilité et la facilité avec laquelle elle peut être implantée chez un patient donné. «Ce n’est qu’après avoir pris ces décisions que les chirurgiens considèrent l’aire valvulaire effective. Le nombre limité de modèles de prothèses valvulaires mitrales à leur disposition peut alors conduire à une DPP plus ou moins sévère», explique Julien Magne.
Les chercheurs savaient qu'une DPP prononcée avait un impact négatif sur la survie à long terme des patients qui avaient subi un remplacement valvulaire mitral, mais aucune étude n'avait encore examiné l'effet de la DPP sur la mortalité pendant le premier mois suivant l'opération. Leurs analyses montrent que, chez les patients qui ont une DPP sévère, la mortalité à court terme atteint 14 %, contre 6 % chez les patients qui ont peu ou pas de DPP. Chez les patients qui subissaient une chirurgie uniquement pour un remplacement de la valvule mitrale (i. e. pas de pontage cardiaque), le risque de mortalité dans les cas de DPP sévère était 12 %, soit quatre fois plus élevé que dans les deux autres groupes de patients. «La DPP sévère est un puissant facteur de risque de mortalité opératoire à la suite d'un remplacement valvulaire mitral», conclut Julien Magne.
Contrairement aux autres facteurs de risque de mortalité, il est possible d’éviter la DPP ou de diminuer sa sévérité en utilisant une stratégie adaptée lors de l’opération, poursuit le chercheur. Cette stratégie consiste à choisir la taille de la prothèse à partir d’un calcul relativement simple qui repose sur l’aire valvulaire effective, documentée pour chaque prothèse, et la surface corporelle du patient. Cette pratique est en voie d’entrer dans les mœurs dans des hôpitaux universitaires spécialisés en cardiologie, notamment à l’Hôpital Laval. «La situation est en voie de s’améliorer, estime Julien Magne. Les chirurgiens et certains fabricants de prothèses valvulaires sont davantage conscients des problèmes causés par la DPP. Cependant, en raison de tous les facteurs à considérer, même un chirurgien bien intentionné ne pourra éviter une certaine DPP à l’occasion. Il sera alors important d’assurer un suivi très étroit à ce patient.»