
L'équipe de Maurice Levasseur au travail au large de Resolute dans le détroit de Barrow. Les mares de fonte qui se forment sur la glace de l'océan Arctique constituent une sorte d'océan sur l'océan. Le phytoplancton qui se développe dans ces mares produit des quantités importantes de sulfure de diméthyle.
— Maurice Levasseur
Lorsqu'un problème complexe se situe à l'interface de plusieurs disciplines scientifiques, la réponse peut difficilement venir d'experts d'un seul domaine. Les 10 océanographes et spécialistes des sciences de l'atmosphère au cœur du projet NETCARE (Network on Climate and Aerosols) l'ont bien compris et c'est pourquoi ils ont choisi d'étudier ensemble les liens entre le phytoplancton et le climat dans l'Arctique. Cette collaboration a porté ses fruits et c'est la raison pour laquelle le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada vient de leur attribuer le prix Brockhouse, qui récompense des initiatives exemplaires en recherche interdisciplinaire.
Pour l'un des artisans de NETCARE, Maurice Levasseur, professeur au Département de biologie de l'Université Laval et chercheur à Québec-Océan et à l'Unité mixte internationale Takuvik, cette récompense est doublement gratifiante parce qu'elle couronne les recherches qu'il mène depuis le début des années 1990 sur les échanges entre les océans et l'atmosphère, mais aussi parce qu'elle salue le canal de communication qu'il a contribué à ouvrir entre les océanographes et les spécialistes des sciences de l'atmosphère au pays. «Ce prix me donne l'occasion de mesurer le chemin parcouru et je retire une grande fierté du fait que nous ayons trouvé une façon efficace d'établir une véritable collaboration», souligne-t-il.
Le professeur Levasseur partage le prix Brockhouse, et la bourse de 250 000$ qui servira à financer la suite des travaux, avec neuf autres chercheurs de l'Université de Toronto, de l'Université Dalhousie, de l'Université de la Colombie-Britannique, d'Environnement Canada et de Pêches et Océans Canada. Certains de ces chercheurs sont des collaborateurs de longue date qui avaient participé à des projets mis sur pied antérieurement par Maurice Levasseur, notamment SOLAS Canada et SOLAS Arctique. Ces projets, tout comme NETCARE, exploraient les effets des aérosols sur le climat.

Pour réussir une collaboration interdisciplinaire, il faut une grande ouverture d'esprit, un désir d'apprendre, un souci de communiquer simplement ses connaissances, une confiance réciproque et du temps, résume Maurice Levasseur, que l'on voit ici lors d'une expédition menée dans la baie de Baffin.
— Martine Lizotte
L'enthousiasme du professeur Levasseur pour ce sujet ne se dément pas, même après 30 ans de travail. Le phytoplancton produit un gaz, le sulfure de diméthyle (DMS), qui s'échappe des océans pour gagner l'atmosphère, explique-t-il. Là, son oxydation mène à la formation d'aérosols sulfatés qui peuvent agir comme noyaux de condensation et conduire à la formation de nuages. Le phytoplancton est responsable de la formation d'environ 80% des aérosols naturels.
«À tout moment, la moitié de l'atmosphère terrestre est couverte de nuages et leur présence a un effet direct sur le climat, souligne-t-il. Les résultats du programme NETCARE indiquent que la disparition en cours du couvert de glace conduira à une augmentation de la production de DMS par le phytoplancton, ce qui devrait ralentir le réchauffement du climat de l'Arctique.»
— Maurice Levasseur
Pour étudier les liens phytoplancton-climat, il a évidemment fallu que les océanographes et les spécialistes des sciences de l'atmosphère trouvent une façon de communiquer et de travailler ensemble. «Le plus difficile a été de déterminer des objectifs communs et de formuler des hypothèses testables alors que chacun ne connaît rien au domaine de l'autre, constate Maurice Levasseur. Il a fallu une grande ouverture d'esprit, un désir d'apprendre, un souci de communiquer simplement ses connaissances, une confiance réciproque et du temps. J'ai collaboré avec des dizaines d'océanographes au cours ma carrière, mais il y a quelque chose de particulièrement satisfaisant à établir ce type de connexion avec des chercheurs d'un autre domaine.»