
Sur cette photo montrant un embryon porcin âgé de sept jours, les couleurs chaudes représentent les zones où les mitochondries, les centrales d'énergie de la cellule, sont particulièrement actives. L'alcool entrave le fonctionnement normal des mitochondries pendant une période critique du développement embryonnaire et réduit de 43% le taux de survie des embryons.
— Florence Pagé-Larivière
Florence Pagé-Larivière et Marc-André Sirard, du Département des sciences animales et du Centre de recherche en reproduction, développement et santé intergénérationnelle, et leur collaboratrice Céline Campagna, de l'Institut national de santé publique du Québec, arrivent à cette conclusion après avoir exposé des embryons porcins à une solution d'alcool pendant les sept premiers jours suivant leur fécondation. «Les effets de l'alcool sur le foetus sont bien documentés chez l'humain, mais il subsistait une zone grise pour la période allant de la fécondation à l'implantation dans l'utérus», rappelle la première auteure de l'étude, la doctorante Florence Pagé-Larivière. «Comme l'embryon n'est pas en contact avec le sang de la mère pendant cette période, on a longtemps cru que la consommation d'alcool ne pouvait avoir d'incidence à ce stade. On sait maintenant que ce n'est pas le cas et que le taux d'alcool dans le liquide utérin – le liquide dans lequel baignent les embryons – est directement proportionnel à la concentration d'alcool dans le sang de la mère.»
Pour étudier les effets de l'exposition à l'alcool sur l'embryon pendant la phase préimplantatoire, les chercheurs ont eu recours à des embryons porcins. «Il s'agit d'un meilleur modèle animal que la souris ou le rat de laboratoire parce que, chez le porc, l'activation du génome embryonnaire et les voies de signalisation sont similaires à ce qu'on observe chez l'humain», souligne l'étudiante-chercheuse. Les chercheurs ont exposé 1 421 embryons porcins à une solution contenant 0,2% d'alcool, un taux élevé, mais pas irréaliste puisqu'il s'apparente à ce qui est rapporté dans le sang de personnes faisant des excès d'alcool. «Nous avons choisi un taux élevé afin de vérifier, dans un premier temps, si l'embryon avait une sensibilité à l'alcool pendant la période préimplantatoire», précise Florence Pagé-Larivière.
Les tests ont révélé que le taux de survie des embryons exposés à l'alcool est 43% plus faible que dans le groupe témoin. «Cela implique que moins d'embryons atteignent le stade où ils peuvent s'implanter dans l'utérus», commente la doctorante. Second constat: les embryons qui survivent à l'exposition à l'alcool se développent moins bien que ceux du groupe témoin. Troisième constat: l'alcool provoque l'activation de voies de signalisation associées à des stress oxydatifs causés par un mauvais fonctionnement des mitochondries ainsi que l'activation de voies de signalisation liées à des dommages au système nerveux. «Après sept jours de développement, l'embryon porcin compte à peine 150 cellules et son système nerveux n'a pas commencé à se former, mais les effets de l'alcool que nous avons observés sont les mêmes que ceux rapportés pour le cerveau d'un foetus», constate la doctorante.
Pour le moment, les chercheurs ignorent si les effets de l'exposition à l'alcool pendant la première semaine de vie peuvent être corrigés par la suite, mais leurs résultats invitent à la prudence. «L'alcool peut avoir des effets néfastes dès les premiers jours qui suivent la fécondation et nous ignorons s'il existe un seuil sécuritaire d'alcoolémie à ce stade. Pour ces raisons, les femmes qui veulent avoir un enfant devraient être conscientes que l'alcool peut poser un risque pour les embryons même pendant la phase préimplantatoire. Par mesure de précaution, elles devraient limiter leur consommation d'alcool ou idéalement s'abstenir complètement d'en boire lorsqu'elles planifient une grossesse», conclut Florence Pagé-Larivière.