
La professeure Bouchard cosigne avec 12 chercheurs l’article paru dans l’édition du 6 novembre du New England Journal of Medicine où sont rapportés les résultats de tests menés auprès de 814 femmes ménopausées qui avaient un conjoint stable, mais qui éprouvaient une baisse de désir sexuel depuis leur ménopause. Les chercheurs ont assigné les participantes à l’un des deux groupes expérimentaux (un timbre libérant 150 ou 300 microgrammes de testostérone par jour) ou au groupe témoin (un timbre sans hormone), puis - comment dire? - ils ont laissé la vie suivre son cours.
Au début de l’étude, les femmes des trois groupes déclaraient avoir entre 2,5 et 2,9 événements sexuels satisfaisants par mois. Vingt-quatre semaines plus tard, les participantes du groupe témoin rapportaient une hausse de 0,7 événement, gracieuseté de l’effet placebo sur la libido. Pour leur part, les femmes qui recevaient 150 ou 300 microgrammes de testostérone par jour constataient une hausse respective de 1,2 et de 2,1 événements sexuels satisfaisants par mois. Seule la différence entre ce dernier groupe et le groupe témoin s’est avérée statistiquement significative.
Des effets pervers
Cet afflux d’hormone mâle semble toutefois produire des effets indésirables sur le système pileux: 20 % des femmes du groupe qui recevait la plus forte dose de testostérone ont constaté un accroissement de leur pilosité, contre 11 % pour les femmes du groupe témoin. Plus inquiétant, quatre femmes du groupe expérimental ont reçu un diagnostic de cancer du sein au cours de l’étude, contre aucune dans le groupe témoin. «Il est possible que ce soit dû au hasard, mais il faut aussi considérer la possibilité que la testostérone agisse comme promoteur du cancer, reconnaît Céline Bouchard. Il faudrait davantage de données avant de se prononcer sur l’innocuité du timbre de testostérone chez les femmes ménopausées.»
Malgré cette ombre au tableau, elle n’hésiterait pas à prescrire le timbre de testostérone à ses patientes. «Présentement, au Canada, il n’existe aucun traitement contre la baisse de libido chez les femmes. Nous prescrivons donc des produits hormonaux conçus pour les hommes, en ajustant la dose au meilleur de nos connaissances. Il existe moins de données sur les effets d’une telle approche que sur ceux du timbre hormonal pour les femmes.» Quant au timide effet libidineux du timbre, la professeure Bouchard remet les choses en perspective. «Pour une jeune femme active sexuellement, avoir une à deux relations sexuelles de plus par mois peut sembler bien peu. Mais pour une femme qui a atteint la ménopause et qui souffre de détresse psychologique en raison d’une baisse de libido, cette amélioration des rapports avec son conjoint peut être significative et satisfaisante.»
Vendu en Europe sous le nom Intrinsa par Procter and Gamble, le timbre transdermique de testostérone est actuellement en processus d’homologation chez Santé Canada. En 2004, la Food and Drug Administration en avait interdit la vente aux États-Unis en raison du manque de données quant à ses effets à long terme sur le système cardiovasculaire et sur le cancer. Pour les mêmes raisons, rien n’indique que le timbre passera comme une lettre à la poste au pays.