Il y a 105 millions d'années, Madagascar et l'Inde ne formaient qu'une seule entité dont le centre se situait au 30e degré de latitude sud. Aujourd'hui, Madagascar se retrouve environ 10 degrés plus au nord alors que l'Inde s'est déplacée sur une distance de 5000 kilomètres vers le nord-est, tout en pivotant dans le sens antihoraire. La cause de cette valse à grand déploiement? De gigantesques remontées de roches très chaudes en provenance des entrailles de la Terre qui ont donné naissance à un supervolcan.
C'est ce que suggère une étude publiée dans la revue Nature Geoscience par une équipe internationale de recherche, dont fait partie Carl Guilmette, professeur au Département de géologie et de génie géologique de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche sur la géologie et l'ingénierie des ressources minérales.
Rappelons que la partie la plus externe de notre planète est formée par les continents et par les fonds océaniques. Cette enveloppe, la lithosphère, dont l'épaisseur varie de 10 à 200 kilomètres, est morcelée en 7 plaques tectoniques majeures, 15 plaques tectoniques mineures et quelques dizaines de microplaques. Ces plaques reposent sur une couche ductile, ce qui leur permet de s'éloigner, se rapprocher ou plonger l'une sous l'autre (subduction), au gré des gradients de chaleur provenant des couches profondes de la planète. Ces mouvements donnent lieu à des phénomènes géologiques comme les tremblements de terre, les tsunamis, l'activité volcanique ou encore la formation de chaînes de montagnes ou de fosses océaniques.
Les géologues ne s'entendent pas sur les mécanismes qui provoquent, en peu de temps, à l'échelle géologique, des fractures longues de plusieurs milliers de kilomètres dans la lithosphère. C'est ce qui a conduit Carl Guilmette et ses collègues à étudier la fracture qui a scindé Madagascar et l'Inde il y a 105 millions d'années. Les indices géologiques récoltés sur le terrain et les modélisations numériques effectuées par les chercheurs leur ont permis de conclure que seule un panache mantellique qui s'est inséré entre Madagascar et l'Inde pouvait expliquer le phénomène.
«Ce panache mantellique a créé deux nouvelles plaques, la plaque africaine et la plaque indienne, explique le professeur Guilmette. Cette dernière a alors subi une rotation antihoraire qui a causé l'initiation de nouvelles zones de subduction plus au nord, dans un segment océanique qui deviendra plus tard la région méditerranéenne.»
La fragmentation des plaques tectoniques causée par un panache mantellique est largement acceptée comme cause d'un écartèlement entre deux plaques, mais la relation entre la rotation d'une de ces plaques et la création de zones de subduction n'avait jamais été démontrée dans les modèles numériques ni dans les archives géologiques, précise le chercheur. «Comme la formation de panaches mantelliques a sûrement eu lieu à de nombreuses reprises dans le passé et que ces panaches ont joué un rôle important dans l'enfance de notre planète, il est raisonnable de penser que ce mécanisme pourrait avoir contribué à l'établissement ou même avoir déclenché la tectonique des plaques», conclut-il.