
Quarante jours après le début de l'expérience, les branches de sapin normales ont la mine basse alors que celles traitées avec les produits qui interfèrent avec l'éthylène sont encore vertes et pimpantes.
— Nova Scotia Agricultural College
Martine Dorais, Steeve Pépin, Yves Desjardins et leurs collaborateurs Mason MacDonald, Rajasekaran Lada et Alex Martynenko, du Nova Scotia Agricultural College, rapportent dans un récent numéro de la revue scientifique Trees que c'est une hormone végétale, l'éthylène, qui est au cœur de l'abscission des aiguilles chez le sapin baumier. On savait déjà que cette hormone jouait un rôle dans la floraison, le mûrissement des fruits et la chute des feuilles chez de nombreuses espèces, mais son rôle dans la chute des aiguilles des conifères était peu documenté.
Pour faire la lumière sur cette question, les chercheurs ont placé, à l'intérieur d'une chambre de croissance, de petites branches de sapin dans des contenants remplis d'eau. Après une dizaine de jours, ces branches ont commencé à produire de l'éthylène et, trois jours plus tard, la chute des aiguilles s'enclenchait. Dans les jours qui ont suivi, la production d'éthylène a rapidement augmenté, tout comme la chute des aiguilles. Trente à quarante jours après le début de l'expérience, les branches étaient complètement dégarnies.
Pour démontrer que l'abscission était bien due à l'éthylène, les chercheurs ont eu recours à deux composés qui interfèrent avec cette hormone. Le premier, le 1-MCP, est un régulateur synthétique de croissance végétale qui accapare les récepteurs où se fixe l'éthylène dans la cellule. Le second, l'AVG, est un produit chimique qui retarde le mûrissement des fruits en freinant temporairement la production d'éthylène. Lorsque les branches de sapin sont exposées à ces produits, la durée de rétention des aiguilles passe respectivement à 73 et à 87 jours. «Au quarantième jour, les branches qui avaient été traitées étaient encore vertes, tendres et fraîches alors que les branches non traitées avaient pratiquement perdu toutes leurs aiguilles, signale Steeve Pépin. Ces résultats suggèrent fortement que l'éthylène est la molécule qui enclenche la chute des aiguilles du sapin baumier.»
Ces travaux pourraient avoir des retombées intéressantes pour les producteurs de sapins de Noël et pour les consommateurs. «Le 1-MCP est un gaz et il serait envisageable d'en libérer dans les boîtes de camions qui transportent les sapins», avance le professeur Pépin. Cette pratique serait particulièrement appropriée pour le marché de l'exportation. En 2008, les ventes de sapins de Noël ont atteint 65 M$ au Canada et la moitié du chiffre d'affaires a été généré par l'exportation de quelque 1,8 million d'arbres vers les États-Unis, le Mexique, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et les Caraïbes.
Les consommateurs pourraient eux aussi y trouver leur compte. En effet, il serait possible de dissoudre de l'AVG dans l'eau d'arrosage du sapin et ainsi prolonger la durée de conservation du conifère dans la maison. «Nous sommes parvenus à doubler la durée de rétention des aiguilles sur les branches, ce qui est déjà très encourageant, résume Steeve Pépin. Il reste à démontrer que les résultats obtenus avec des branches sont transposables à l'arbre entier.»