
La consommation d'aliments contaminés au mercure par les femmes enceintes peut perturber le développement du système nerveux de l'embryon et, à long terme, le comportement de l'enfant.
— Ed Utham
Olivier Boucher, Pierrich Plusquellec, Éric Dewailly, Pierre Ayotte, Nadine Forget Dubois et Gina Muckle, du Centre de recherche du CHUQ, et leurs collègues américains Sandra et Joseph Jacobson ont étudié l'effet de l'exposition à divers polluants chez 279 enfants inuits du Nunavik. Cette population est particulièrement vulnérable en raison de sa diète traditionnelle qui comprend des quantités appréciables de poissons, de mammifères marins et de gibier contenant des polluants environnementaux.
Les premiers enfants à prendre part à cette étude ont été recrutés en 1993. Au moment de leur naissance, les chercheurs ont prélevé du sang du cordon ombilical afin d'estimer l'exposition intra-utérine à différents polluants. Environ 11 ans plus tard, une seconde prise de sang a servi à établir leur niveau actuel d'exposition. Les sujets ont été divisés en trois groupes selon les taux mesurés (tiers inférieur, médian ou supérieur). Enfin, le comportement des enfants en classe a été évalué par leur professeur à l'aide d'un questionnaire.
Les analyses montrent que 22% des enfants inuits affichaient des comportements caractéristiques du TDAH. Cette prévalence est deux à quatre fois plus élevée que ce qui est observé ailleurs dans le monde. La probabilité d'être atteint du TDAH était trois fois plus forte chez les enfants les plus exposés au mercure pendant la grossesse que chez ceux du tiers inférieur. Par ailleurs, les sujets chez qui le degré d'exposition au plomb pendant l'enfance se situait dans le tiers médian ou supérieur étaient de quatre à cinq fois plus à risque.
«Il s'agit de la première étude qui lie l'exposition prénatale au mercure et des comportements du TDAH en classe, signale Gina Muckle, professeure à l'École de psychologie. De plus, elle confirme le lien déjà rapporté entre le TDAH et l'exposition postnatale au plomb.»
Les conclusions de l'étude et les mesures à prendre pour réduire les risques qui pèsent sur les enfants ont été communiquées aux Inuits du Nunavik. «Les responsables de la santé publique recommandent maintenant aux femmes en âge d'avoir des enfants de ne pas consommer de béluga. Ce mammifère marin est responsable de 50% de l'apport alimentaire en mercure», explique la chercheuse. Par ailleurs, une campagne visant à réduire l'usage des cartouches de fusil contenant des grains de plomb est en cours. Ce sont ces grains, consommés par inadvertance avec la chair de la sauvagine, qui constituent la principale source de plomb dans cette population.
La réduction du mercure dans l'environnement s'avère complexe en raison du transport transfrontalier de ce polluant. Le mercure qui affecte les Inuits provient surtout des centrales au charbon. Environ 45% de la charge polluante proviendrait de la Chine où les émissions sont en hausse depuis 30 ans. Des négociations internationales, entreprises en 2010, devraient conduire à la signature d'une entente en 2013. «Les représentants du gouvernement canadien suivent nos recherches de près, souligne Gina Muckle. Nous sommes heureux que nos travaux, qui ont commencé il y a presque 20 ans, puissent avoir des retombées concrètes sur la santé des populations inuites.»