
HandySCAN est une caméra 3D portable qui numérise les objets par balayage laser et les reconstruit en temps réel à l'écran d'un ordinateur. Cette technologie est le fruit d'une collaboration entre des chercheurs du Laboratoire de vision et de systèmes numériques de l'Université Laval et l'entreprise Creaform.
— Creaform
Cette rencontre avait pour but de faire connaître par quelles voies une idée qui a germé dans un laboratoire de recherche universitaire a pu conduire à un produit maintenant vendu dans 85 pays, générant un chiffre d'affaires qui dépasse 55 M$ par année. HandySCAN est une caméra 3D portable qui numérise les objets par balayage laser et les reconstruit en temps réel à l'écran d'un ordinateur. L'appareil a des applications industrielles, médicales et muséales. Son capteur télémétrique, qui pèse moins d'un kilo et qui est tenu à la main, détermine lui-même sa position dans l'espace par reconnaissance de cibles disposées sur l'objet.
Le professeur Laurendeau, du Département de génie électrique et de génie informatique, a rappelé le rôle de terreau fertile joué par le Laboratoire de vision et de systèmes numériques (LVSN) de l'Université Laval dans la conception de cette caméra. «Une innovation, ça part d'une idée qui naît et se développe dans un environnement de recherche stimulant. Au LVSN, nous faisons de la recherche en vision 3D depuis plus de 30 ans. Nos étudiants sont des ingénieurs et nous les encourageons non seulement à publier, mais aussi à faire des choses qui marchent, des prototypes qui fonctionnent.»
Il y a une belle filiation entre les principaux concepteurs du HandySCAN. Denis Laurendeau, qui a terminé son doctorat au LVSN en 1986, a dirigé les trois principaux artisans de cette caméra: Patrick Hébert (Ph. D. 1994), Dragan Tubic (Ph. D. 2006), dont les travaux ont été codirigés par Patrick Hébert alors qu'il était professeur à l'Université, et Éric Saint-Pierre (M. Sc. 1993). «La conception de la caméra HandySCAN a profité d'une expertise qui s'est développée au LVSN depuis 1980», a rappelé le professeur Laurendeau.
Patrick Hébert a commencé à travailler à la mise au point de cette caméra alors qu'il travaillait au Conseil national de la recherche du Canada dans les années 1990. «J'avais le rêve de développer une caméra qui serait à la fois portable et de grande précision. Je ne pensais pas du tout au succès commercial. Je voulais juste que cette caméra voie le jour.» Lorsqu'il est embauché comme professeur à l'Université en l'an 2000, il a déjà mis au point un prototype du capteur. Il restait toutefois à trouver une façon d'effectuer la reconstruction interactive de la surface de l'objet en temps réel. Dans les années qui suivent, l'étudiant-chercheur Dragan Tubic trouve une solution ingénieuse au problème. Le CRSNG lui décernera ultérieurement deux prix nationaux pour saluer l'excellence de ses travaux de doctorat.
En 2003, Patrick Hébert, Dragan Tubic et Éric Saint-Pierre fondent la compagnie 3DI dans l'espoir de commercialiser leur caméra. La suite s'avère plus ardue que prévu. «Il faut avoir un moral d'acier, souligne Patrick Hébert, surtout lorsque des gens que tu respectes te disent qu'il n'y a pas de marché pour ton produit.» Puis, par l'entremise de SOVAR, ils rencontrent Charles Mony, président de la jeune entreprise Creaform de Lévis, qui est immédiatement emballé par leur technologie. Une entente est conclue, ce qui permet à Dragan Tubic de faire le pont entre l'équipe du LVSN et Creaform. «Le transfert technologique voyage mal sur papier, dit-il. Il voyage mieux dans le cerveau d'étudiants-chercheurs.»
Les premiers appareils arrivent sur le marché en 2005. Dans les années qui suivent, les ventes explosent si bien qu'en 2009, pour consolider ses activités, Creaform achète 3DI ainsi que le brevet détenu par l'Université. Cette transaction permet à l'Université de créer la Chaire de recherche industrielle CRSNG/Creaform sur la numérisation 3D, dont Denis Laurendeau devient le titulaire en 2011. En 2013, l'entreprise américaine Ametek fait l'acquisition de Creaform pour la somme de 120 M$ US. Les opérations de recherche et développement de la compagnie sont maintenues à Lévis, où de nombreux diplômés du LVSN poursuivent leur carrière.
«Il faut reconnaître humblement que nous avons eu beaucoup de chance», souligne Patrick Hébert en jetant un regard sur les événements des 15 dernières années. «De plus, nous avons profité d'un bon timing. Il aurait été impensable de développer cette caméra dans les années 1980 parce que la puissance informatique et les technologies laser n'étaient pas encore assez avancées. La technologie a besoin de technologie pour progresser.»
Denis Poussart, un des pionniers de la recherche en vision numérique à l'Université Laval, a tenu à ramener les pendules à l'heure par rapport au rôle de la chance dans le succès planétaire de cette caméra 3D. «Avoir de la chance, a-t-il rappelé en citant le photographe Henri Cartier-Bresson, c'est savoir se placer sur la trajectoire du hasard. Si les concepteurs du HandySCAN ont eu de la chance, c'est parce qu'ils ont fait montre de flair, de persévérance et d'intuition créatrice.»